Renée Mège, née Taillefer, figure de la Résistance, s’est éteinte, vendredi 12 février 2016, à l’âge de 89 ans. La native de Montans, qui s’était engagée à l’âge de 15 ans comme agent de liaison proche du colonel Vendôme, avait reçu en 1952, la médaille militaire. Elle avait entre autres, participé à l’attaque de la prison de Gaillac en 1944. Un des collèges de Gaillac, inauguré en 2011, porte son nom. Une cérémonie civile sera organisée, ce mercredi 17 février, à 14h30 à la salle des spectacles de Gaillac suivie d’une inhumation dans le caveau familial à Montans.

Renée Taillefer est née le 9 janvier 1927, à Montans, dans le Tarn.

Née dans une famille déjà nantie de deux filles, elle arrive la troisième. La voyelle que son père avait ajoutée à son prénom préparé pour le fils attendu, indique bien son intention de l’élever comme un garçon.

Maçon, il lui apprit très tôt à manier l’équerre et le compas, sans oublier la truelle et le fil à plomb. Renée apprit à faire du mortier, à construire murs et caves en ciment.
Ce travail, monter sur les échelles ou les échafaudages obligeait Renée à porter des pantalons, à une époque où porter des vêtements de garçon était honteux. Cela a d’ailleurs valu à Renée une semonce du curé de Montans !

Outre les travaux de maçonnerie, elle travailla avec ses grands-parents dans les champs, et les vignes.

Cette éducation assez rude joua un rôle important dans sa vie future : amour du travail bien fait, honnêteté, ténacité. Elle rendait fier son père, qui voyait naître en elle un caractère solide et fort.

Son père était un maçon réputé, travailleur, républicain, anticlérical à ses heures, comme le voulait l’époque, mais farouche patriote, en toutes circonstances. Il avait fait la guerre et parlait avec émotion de Notre Dame de Lorette ou de la Somme. Quant à la grand-mère maternelle de Renée, elle portait à jamais la blessure d’un fils mort au champ d’honneur en 1918.

II. Les débuts de la guerre

Dans cette famille où « on n’aimait pas l’Allemand », l’armistice de 1940 les marqua d’une humiliation écartelée entre tristesse et révolte. L’invasion de la France par les nazis leur était insupportable. Renée se sentait solidaire de ceux qui manifestaient contre une collaboration honteuse et qui refusaient l’inacceptable.

L’appel du général de Gaulle du 18 juin 1940 suscita en elle la volonté d’agir. Mais comment, avec qui ?

La France soutenait Pétain, le héros de Verdun. La peur régnait, entretenue par la milice : dénonciation, internement et déportation menaçait chaque citoyen, et jamais le silence n’eut plus de prix.

III. L’entrée en résistance (1942 – 1943)

Or à partir de 1942, la famille commença à réagir.
On se prépara à lutter contre l’occupant. Ainsi Renée participa-t-elle à une opération visant à dissuader un paysan zélé qui renseignait l’ennemi sur les fermes bien approvisionnées.

Un soir du printemps 1943, un maçon de Montans qui connaissait bien les idées de la famille frappa chez eux : le MUR (Mouvement Uni pour la Résistance) lui demandait de former une « trentaine », et il cherchait des combattants de l’ombre. Le père accepta aussitôt, et, comme le groupe avait besoin d’une jeune fille pour faire les liaisons, Renée fut engagée tout de suite dans ce Corps Franc nommé Roger, du nom
de son chef Roger Toinote. Contrairement aux maquis, les Corps Francs étaient des groupes que les Allemands ne soupçonnaient pas, du moins à cette époque. Plus tard, le Corps Franc Roger, inquiété par des collaborateurs, se transformerait en maquis.

Renée à peine âgée de 15 ans devient donc agent de liaison entre Roger, le Maquis et le poste de commandement dont les chefs étaient à Gaillac Flour et Navarro. Elle passa toutes sortes de barrages allemands et miliciens sans éveiller de soupçons.
L’importance de cet engagement fut pour elle une évidence dès le début, et elle s’y donna entièrement.
La nuit, elle glissait des tracts et des journaux clandestins dans les boîtes aux lettres du village.

Quand la zone libre ne le fut plus, elle transmit des informations sur les mouvements de troupes, le nombre d’hommes et de camions, l’heure de leur passage ou la direction prise. Tous ces renseignements n’étaient fournis qu’à une seule personne pour protéger les réseaux en cas d’arrestation.

IV. Une jeune fille active dans la résistance (1943 – 1944)

Fin 1943 arriva à Gaillac un personnage qui devait donner plus d’ampleur à la résistance tarnaise et au destin de Renée.

Vendôme était un officier d’active mis à pied par Pétain en raison de son appartenance à la Franc Maçonnerie. Par deux fois, il avait échappé de justesse à la Gestapo. Cet homme de terrain transforma tous les résistants en véritables combattants.
Ancien officier de l’Armée de l’Air, il fit homologuer par Londres un terrain près de Marssac qui permit deux parachutages de matériel d’Angleterre pour armer les troupes.
Il forma 14 Corps francs et 7 maquis.

Renée devint son agent de liaison, et habita chez lui, rue de Verdun, à Gaillac.
Elle s’y rendait par les jardins, évitant les rues passantes et la gendarmerie. Elle sillonnait les routes à bicyclette, de jour et parfois de nuit, et allant jusqu’à Montauban, pour transmettre des renseignements dissimulés dans ses chaussures, son soutien- gorge ou le guidon de son vélo. Mais elle ne transporta pas que des messages….

Un jour en effet, elle fut chargée par Roger à court d’explosifs, d’aller chercher à Técou, chez Elia Galinier, qui cachait chez elle résistants, armes et explosifs. 4 kilos de plastic pour saboter la voie ferrée. Celui-ci fut dissimulé sous des prunes dans un sac ,grand sac de provisions accroché au guidon de son vélo et elle revint vers Gaillac, accompagné d’un jeune garçon de 14 ans. Mais à Brens, les routes étaient barrées par
des chicanes, et les Allemands arrêtaient les passants, vérifiaient les papiers et fouillaient gens et sacoches. Un accrochage avec le maquis de Buzet avait fortement énervé l’ennemi. Il n’était pas question de faire demi-tour. Pendant que le garçon terrifié, les mains en l’air était fouillé sans ménagement par un soldat, Renée montra ses papiers au chef de poste plus jeune et apparemment moins brutal, qui s’attardant à regarder sa carte d’identité et mangeant au passage quelques prunes, finit par lui accorder le
passage.

Renée s’habillait en homme, portait un passe-montagne et, ainsi dissimulée, elle pouvait prendre part aux opérations courantes : bloquer ou retarder trains et camions, chargés de marchandises ou empêcher la livraison de charbon de Carmaux aux bateaux allemands ancrés à Bordeaux. La peur s’emparait d’elle parfois, mais on lui avait appris à n’en rien montrer, par respect pour ses camarades. C’était une mission qu’on devait
exécuter, c’est tout.

Elle sut aussi confectionner une bombe. Quoi de plus simple ? Des pains de plastic, un détonateur, une amorce, un cordon de bic fort assez long pour qu’on puisse se mettre à l’abri. Et après l’action, chacun rentre chez soi par des chemins détournés. C’est ainsi que Renée et ses camarades firent sauter plusieurs fois la voie ferrée entre Gaillac et Lisle-sur-Tarn jusqu’à ce que l’ennemi trouve une parade en mettant un train de voyageurs à la tête du convoi.