Les soldats tarnais morts à la guerre de 1870 : qui sont ils ?
Armée régulière et Garde Nationale
En 1870, c’est le tirage au sort qui détermine les hommes
qui feront le service militaire. Sa durée est passée en 1868 de 7 à 5 ans.
Chacun a la possibilité moyennant rétribution de s’affranchir de cette longue
période en trouvant un remplaçant.
Une étude sur le canton de Pampelonne
disponible sur ce site dans la rubrique recrutement montre que :
-30% des
hommes ont « tiré un mauvais numéro »
qui leur coûtera 5 ans d’armée ou une somme d’argent.
-16% feront une période de 3 mois et demi (les classes).
Les autres (plus de 50%) n’auront donc aucune formation
militaire et constitueront durant 5 ans si la nation est en danger une
« garde nationale mobile».
Au delà d’un certain âgé tous les hommes valides
constitueront la « garde nationale sédentaire »
En 1870, la garde nationale mobile du Tarn sera envoyée
pour la défense de Paris.
Les soldats partaient à l’armée au mois d’octobre de
l’année de leurs 21 ans.
En juillet 1870 étaient au service militaire :
les hommes nés en 1844, 1845, 1846, 1847 et 1848.
Ceux nés en 1849 auraient du partir en
octobre 1870, ils sont partis début août 1870.
Ceux nés en 1870 avaient déjà passé le conseil
de révision et auraient du partir en octobre 1871, ils sont partis en octobre
1870, après la défaite de Sedan.
Les gardes mobiles nés entre 1844 et 1849 ont été mobilisés fin août 1870. Ils arrivent
courant septembre à Paris pour défendre la capitale qui va subir un siège
(source : François Roth La Guerre 1870).
Soldats de notre base de données
Notre base de données contient les noms de 786 soldats
tarnais décédés entre juillet 1870 et décembre 1873. Pour arriver à ce résultat
qui n’a pas la prétention d’être exhaustif mais
doit approcher la vérité, nous avons travaillé sur 3 sources
distinctes :
-un relevé des actes de décès sur toutes
les communes tarnaises entre juillet 1870 et décembre 1873
-un relevé systématique des décès sur les
fiches matricules des années 1867 à 1871 (pas de fiches
avant 1867)
-un extrait de la base Généanet
de Henri Firmery qui a recensé plus de 50 000 soldats
français décédés durant la guerre 1870.
Actes de décès et fiches matricules sont
disponibles sur le site des archives départementales du Tarn
Ces 3 approches nous ont apporté les résultats
suivants :
-419
fiches avec les actes de décès
-295 avec les fiches matricules
- 288 avec le site Généanet
En résumé sur les 786 fiches ,
on a trouvé une transcription de décès 1 fois sur 2, la fiche matricule 1 fois
sur 3 et une information sur le site Généanet également une fois sur 3.
Le site Généanet nous a permis de rajouter 150
nouvelles fiches à notre base.
Les 786 fiches recensées représentent 0,2 % de la population
du Tarn estimée en 1870 à 350000 habitants (Wikipedia).
Au niveau national toujours selon Wikipedia
il y aurait eu 139 000 français décédés durant le conflit (51000 allemands)
pour une population de 38 millions et demi d’habitants, ce qui représente 0,4 % de
la population.
Cela peut
avoir 2 significations : soit les pertes ont été moins
importantes chez nous, soit il nous manquerait encore un certain nombre de
décès.
La réponse est probablement entre les deux hypothèses.
Les régiments de la région ont été moins impactés dans les conflits de juillet
et août que ceux du nord et de l’est.
Périodes des décès
Période |
Nombre |
% |
Juill-Sept 70 |
110 |
16,0% |
Oct-Nov 70 |
98 |
14,0% |
Dec-Janv 71 |
238 |
34,0% |
04-Fev-Mar
71 |
139 |
19,0% |
Avr-Mai 71 |
53 |
7,0% |
Juin-Dec
71 |
69 |
10,0% |
Total |
707 |
La première période correspond aux batailles des
frontières de la période impériale.
La 3ème période, la plus meurtrière correspond
au siège de Paris où les Tarnais ont été très présents.
Cause des décès
Seulement 341 fiches sur les 786 mentionnent la cause du
décès
Cause décès |
Nb |
% |
combat |
89 |
26,1% |
blessures |
39 |
11,4% |
blessures captivité |
1 |
0,3% |
captivité |
16 |
4,7% |
maladie |
167 |
49,0% |
maladie captivité |
28 |
8,2% |
accident |
1 |
0,3% |
Total |
341 |
Les décès au combat ou suite à blessures lors des combats
représentent 38% des décès et la maladie 49% (57% si on y inclut les décès en
captivité dus à la maladie).
L’importance des décès par maladies est la cause d’un
hiver particulièrement rigoureux, de vêtements et équipements mal adaptés, et d’un
manque de nourriture, surtout lors du siège de Paris.
Cette répartition des causes n’est pas uniforme selon les
périodes.
Lors des batailles de juillet à août 1870 86% des décès
sont des décès dus combat ou à des blessures lors de ces combats.
En décembre 1870 et janvier 1871 50% des décès sont dus à
la maladie et 35% aux combats. C’est la période la plus meurtrière du siège de
Paris.
Lieux des décès
Le département ou pays de décès est mentionné dans 760
des 786 fiches.
Le tableau ci-dessous donne les principaux lieux de décès
de nos soldats
Lieux de décès |
Nombre |
% |
Alsace Lorraine Ardennes
(Batailles juillet août) |
93 |
12,2% |
Région Parisienne (Paris et
actuelle région Ile de France) |
282 |
37,1% |
Armée de la Loire (Loiret,
Sarthe, Cher, Maine et Loir) |
34 |
4,5% |
Tarn |
97 |
12,8% |
Occitanie sauf Tarn |
30 |
3,9% |
Allemagne et Suisse |
43 |
5,7% |
Ces chiffres sont tout à fait en correspondance avec
l’analyse des périodes de décès du paragraphe précédent.
Grades et régiments
Arme |
Nombre de soldats |
% |
Administration |
4 |
1% |
Artillerie |
22 |
3% |
Cavalerie |
30 |
4% |
Chasseurs |
23 |
3% |
Coloniale |
38 |
5% |
Divers |
10 |
1% |
Garde Impériale |
6 |
1% |
GardeMobile |
243 |
31% |
Gendarmerie |
4 |
1% |
Génie |
3 |
0% |
Inconnu |
17 |
2% |
Infanterie-Ligne |
362 |
46% |
Légion Etrangère |
1 |
0% |
Marine |
12 |
2% |
Santé |
3 |
0% |
Train |
7 |
1% |
Sur les 786 soldats décédés ,
362 étaient dans des régiments d’infanterie de ligne et 243 dans la Garde
Mobile. Ces 2 catégories représentent à elles seules 77%. L’artillerie, la
cavalerie, les bataillons de chasseurs représentent chacune de 3 à 5%.
Le dépôt du 39ème régiment d’infanterie de
ligne a son dépôt à Albi, et ses bataillons de combat à Constantine en Algérie.
C’est le régiment qui compte le plus de tués (34), et aussi certainement de
mobilisés. Castres était en 1870 une ville de garnison de cavalerie. Elle
hébergeait le 6ème Hussards.
En ce qui concerne le grade des militaires décédés,
celui-ci est renseigné dans 86% des 786 fiches.
Ce sont à 94% des soldats, dans 5% des cas des caporaux
ou des sous-officiers. Les fiches concernent 8 officiers représentent 1% des
cas.
A titre de comparaison dans la base Généanet
qui compte 50000 fiches les officiers représentent 2%.
Communes d’origine
Dans 70 cas (provenant tous de la base Généanet) nous n'avons pas pu repérer la commune de
naissance ou de domicile, ils sont rattachés directement au département.
240 communes sur les 324 du département sont impactées
par des décès de soldats.
Commune |
Nombre de soldats décédés |
Albi |
38 |
Castres |
32 |
Lavaur |
24 |
Gaillac |
18 |
Mazamet |
15 |
Graulhet |
14 |
Montirat |
14 |
Puylaurens |
14 |
Lisle-sur-Tarn |
13 |
Puycelsi |
11 |
Cadalen |
9 |
Montredon-Labessonnié |
9 |
Rabastens |
9 |
Ambialet |
8 |
Labessière-Candeil |
8 |
Lacaze |
8 |
Lautrec |
8 |
Les communes qui ont le plus de décès sont bien sûr
Albi Castres et Lavaur (38 , 32 et 24)
7 communes ont entre 10 et 20 décès, 24 entre 5 et 9, 46
entre 3 et 5, 160 entre 1 et 2
L’un des premiers tarnais tués : Jean
Imbert de Bournazel
Pour mieux illustrer qui étaient nos compatriotes morts
durant cette guerre nous avons choisi un cas, celui de Jean Imbert habitant
Bournazel, pour lequel nous avons pu recueillir quelques informations..
Jean Imbert est né à Bournazel (Tarn) le 4 février 1847.
Ses parents Jean Imbert et Catherine Tauziès sont
cultivateurs, comme lui aussi le sera plus tard.
Au printemps 1867 il passe son conseil de révision au
chef lieu de canton à Cordes. Le tirage au sort lui attribue le numéro 7. Il
sera affecté au 3ème régiment de zouaves. Le numéro précédant va au
38ème de ligne et le suivant aussi. Le 38ème de ligne a
ses bataillons à Alger et son dépôt à Issoudun. Le 3ème zouaves a lui ses
bataillons à Constantine et son dépôt à Philippeville.
Il est fréquent en 1870 que les bataillons de combat et
le dépôt du régiment soient à des endroits différents. Les jeunes recrues
rejoignaient le dépôt du régiment où étaient les compagnies d’instruction, puis
au bout de quelques mois rejoignaient les autres bataillons.
Lors de la colonisation de l’Algérie en 1830, des
mercenaires kabyles ont été intégrés à l’armée française. Ils venaient de la
tribu Zouaoua, ce qui a donné le nom de Zouave. (cf hHstorique 3ème
zouave)
L’uniforme caractéristique de ces soldats, qui ne
changera pas jusqu’à la disparition des dernières unités en 1962, s’inspire des
costumes traditionnels algériens.
Donc, à l’issue du conseil de révision l’ayant déclaré
« Apte au Service », Jean Imbert est affecté au 3ème
régiment de zouaves. Il n’a peut-être
pas eu la possibilité ou les moyens de se trouver un remplaçant ou peut être ne
le souhaitait t’il pas.
Le mercredi 21 octobre 1868, il quitte la ferme familiale
de Bournazel pour l’Algérie. Il sait qu’il part pour une durée de 5 ans. Et
encore peut-il s’estimer heureux, la durée du service militaire vient de passer
de 7 à 5 ans.
La traversée en bateau dure entre 2 et 3 jours. Il arrivera
à la caserne le dimanche 25 octobre 1870.
19 juillet 1870 La France déclare la guerre à la
Prusse.
Deux jours plus tard, le 21 juillet le régiment rassemblé
avec ses 2000 hommes quitte Philippeville (aujourd’hui Skikda) situé sur la
côte à 500 km à l’est d’Alger.
Dès son débarquement à Marseille, le régiment est
acheminé par train sur le front de l’est et intégré au 1er corps de
l’Armée du Rhin).
Le 4 août le régiment cantonne à Haguenau et dans la nuit
du 5 au 6 août il est à Froeschwiller au bois de Niederwald, où éclate un orage. Mac Mahon a prévu de lever
le camp le matin du 6 vers les Vosges, au moment où les prussiens déclenchent
le combat. L’artillerie prusienne sera très
meurtrière pour les soldats français.
En fin d’après-midi , le 3ème
zouaves ou ce qui en reste, est chargé de protéger la retraite du corps d’armée
de Mac Mahon qui se dirige vers le camp de Chalons.
Sur les 2000 hommes partis de Philippeville, les deux
tiers seront tués, blessés ou disparus à Froeschwiller.
Jean Imbert sera de ce nombre.
C’est à Reichshoffen tout proche de Froeschwiller
que les cuirassiers et lanciers français ont chargé les allemands dans les
champs de houblon et dans les rues du village. Ils ont été entièrement décimés
par l’infanterie et l’artillerie prussiennes. Cela a été la dernière charge de
cavalerie de l’histoire.
Sources : Historique 3ème zouave et La
Guerre de 1870 de François Roth
Fiche matricule : http://bach.tarn.fr/viewer/viewer/R_serie/1R/1R2_001_0095.JPG