Au début du 20ème siècle, la 16ème Région
Militaire comprenait le Tarn, l'Aveyron, l'Hérault, la Lozère, l'Aude
et les Pyrénées Orientales. Elle mettait sur pied en août 1914 le 16°
Corps d'Armée, la 66° Division de Réserve (cf. tableaux ci-après) formée
de 2 brigades de 3 régiments à 2 bataillons (au lieu de 2 régiments à
3 bataillons dans les divisions actives) et 8 régiments d'infanterie territoriale
dont deux (127ème de Castelnaudary et 128ème d'Albi ) iraient au Maroc
relever les troupes d'actives aux prises avec la rébellion et qui devaient
rejoindre la Métropole. Quant au 24°RIC de Perpignan, il rejoignait le
22° RIC de Hyères pour former la 2°DIC avec les 4° et 8°RIC de Toulon
dans lesquels servaient de nombreux tarnais et autres languedociens (le
8°RIC par exemple était formé en août 1914 pour 1/5ème par des tarnais).
à la II°Armée
16°CA
(1°RH Béziers - 322°RI Rodez - 342°RI Mende)
(9°RAC Castres - 2°RG Montpellier - 16°ET Lunel - 16°SIM Perpignan)
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31°DI Montpellier
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32°DI Perpignan
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31°DI Montpellier
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3°RAC Castres
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61°Bgde
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62°Bgde
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63°Bgde
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64°Bgde
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81°RI Montpellier
96°RI Béziers
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122°RI Rodez
142°RI Mende-Lodève
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53°RI Perpignan
80°RI Narbonne
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15°RI Albi
143°RI Castelnaudary
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Au 5ème Groupe de Division
de Réserve
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Au Corps d'Armée Colonial
(IV°Ar.)
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66°DR
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2°DIC
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131°Bgde
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132°Bgde
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4°Bgde C
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6° Bgde C
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215°RI Albi
253°RI Perpignan
343°RI Castelnaudary
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280°RI Narbonne
281°RI Montpellier
296°RI Béziers
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4°RIC Toulon
8°RIC Toulon
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22°RIC Hyères
24°RIC
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Dès le 5 août, les premiers
bataillons de la 31ème Division quittaient leurs casernements pour l'Est
du Pays suivi par ceux de la 32ème Division dont les derniers éléments
partaient le 9 août. Le 16°CA, entrant dans la composition de la II° Armée,
devait rejoindre par voie ferrée la région de Mirecourt puis se concentrer
aux abords de Lunéville. La 66° DR entrait elle dans la composition du
5° Groupe de Divisions de Réserve regroupé vers Belfort pour prêter main
forte à la I° Armée ou au Détachement d'Armée de Haute Alsace. Pour sa
part la 2°DIC et le CAC faisaient partie de la IV° Armée regroupée vers
Bar-le-Duc. Ces dispositions de concentration d'Armée s'effectuaient du
côté français dans le cadre du " Plan XVII " qui consistait à fixer le
maximum des forces allemandes à la frontière en lançant un détachement
d'Armée de Haute Alsace et les I° et II° Armées à l'offensive en Alsace
et en Lorraine. La III° Armée suivie ou bordée par la IV° Armée (selon
la variante retenue en fonction des mouvements allemands) devait alors
se lancer dans les Ardennes afin d'enfoncer le flan gauche de l'ennemi
en marche vers l'ouest, tandis que la V° Armée restait sur la Meuse faisant
front aux allemands qui tenteraient un débordement en violant la neutralité
belge.
Commandé par le Général
Taverna, le 16°CA débarquait bataillon par bataillon dans les gares de
Mirecourt et de Hymont-Mattaincourt. Partis les 5 et 6 août, les premières
troupes arrivaient les 7 et 8 août après 48 heures de train. Dès leurs
débarquements, les diverses unités regroupées se dirigeaient par Bayon
et Lunéville vers la Frontière, la 31ème Division en tête et la 32ème
en réserve. La progression se faisait alors par étape (c'est à dire à
pieds) et comme l'indique l'historique du 96ème d'Infanterie ce n'était
que le début d'une série de marches pénibles.
Conformément au plan XVII,
les I° et II° Armées s'avançaient en Lorraine, la première dans la troué
de Sarrebourg, la deuxième vers Château-Salins et Morhange. L'offensive
des 3 corps de la II° Armée (20° CA de Nancy, 15° CA de Marseille et 16°CA)
débutait le 14 août par des feux d'artillerie lourde allemands qui se
repliaient sans combattre. La 6ème Armée allemande du Kronprinz de Bavière
cherchait à attirer la II° Armée française dans la nasse que représentaient
la Sarre et le Nied. Le 16°CA passaient la Frontière le 15 vers Xousse,
Vého et Reillon avec mission donnée à la 31° Division de forcer le Canal
des Salines (à travers une zone boisée et marécageuse) en débouchant par
les Bois de Colmery et du Mühlwald. Le 17, la Division bordait le canal
tandis que le 15°CA occupait Dieuze et le 20°, Château-Salins. Inquiet
des possibles réactions ennemies, Castelnau demandait quand même à ses
corps de pousser plus avant, sur ordre du GQG de Joffre. La réaction allemande
était immédiate, et depuis Metz, la 6ème Armée allemande lançait une imposante
contre-attaque.
Face à la 31°DI qui débouchait
des bois de Colmery et de Mühlwald, les Allemands attendaient maintenant
les Français avec une puissante artillerie sur des positions bétonnées.
Malgré les efforts des artilleurs du 56° Régiment et le courage des fantassins,
la progression française était stoppée. Pour la seule journée du 18, le
122ème RI enregistrait 510 tués, blessés ou disparus et le 142ème près
de 1200. Les manuels tactiques des officiers français prescrivaient l'offensive
à outrance comme seule tactique valable. Les compagnies étaient lancées
à découvert, en tirailleur au devant des canons et des mitrailleuses allemandes.
Lorsque le 19 août, la 32°DI relevait la 31°DI, les 53ème, 80ème et 143ème
Régiment qui progressaient un peu à travers le Bois de Mülhwald, étaient
ensuite obligés de se replier face à la contre-attaque allemande. Les
colonels des 53° et 143° RI, ainsi que le Général Diou, commandant la
63° Brigade se faisaient tuer à la tête de leurs hommes qui ne cédaient
le terrain que pied à pied dans des combats acharnés. Le 20°CA était défait
à Morhange et les deux corps du Midi étaient contraints au repli. Au matin
du 20 août, Castelnau devait ordonner un repli général de toute la II°
Armée, tandis qu'à la I° Armée, le 8°CA venait d'être rejeté de Sarrebourg
par la 7ème Armée allemande. Dubail décidait alors le repli de sa I° Armée
pour maintenir la liaison avec celle de Castelnau.
C'est
ce 20 août que le premier enfant de Giroussens tomba en Lorraine, au Bois
Vulcain à proximité de Rorbach, lors du premier engagement de son régiment
et de sa Brigade. Dans la soirée du 19, la 63° Brigade avait occupé la
lisière est de la forêt de Vulcain. Les 53° et 80° régiments se tenaient
maintenant en première ligne. Le 20, à partir de 6 h, après un violent
bombardement, à leur tour, les Allemands prirent l'offensive. Les positions
furent maintenues jusqu'à 11 h mais, en présence de forces ennemies considérables,
la Brigade dû céder un peu de terrain. Un retour fut ordonné vers midi.
Le général Diou, commandant la 63ème Brigade, le colonel Arbanère et le
chef de bataillon Jacques, du 53ème se portèrent en tête des troupes d'assaut
et, le sabre à la main, exaltèrent leurs troupes par leur énergie, leur
ardeur et leur esprit de sacrifice. Ils tombèrent tous les trois mortellement
atteints avec de nombreux soldats de la 63ème Brigade dont Charles
GARRIGUES du 80°RI. L'ordre de se replier sur les hauteurs de la Meurthe,
était alors donné.
Le 21, la
62ème Brigade (122ème et 142ème
RI) après son premier combat du 18 août et son repli
des 19 et 20 avait pour mission de protéger la retraite de la 31ème
Division sur Embermenil. Après un répit, le 21, les forces
allemandes reprenaient l’offensive le 22 face aux corps de Castelnau
installés sur le Grand-Couronné de Nancy et sur la Meurthe.
Débouchant de la forêt de Parroy, les Bavarois tombaient
sur la 31°DI, au nord-est de Lunéville et s’emparaient
du village de Bonviller. Le 96ème Régiment d’infanterie
le reprenait à la baïonnette mais ne pouvait se maintenir
sous la pression du feu allemand. Le 122ème exécutait
une violente attaque sur Assenoncourt, et parvenait à arrêter
momentanément l’avance de l’ennemi.
Le
22, l’ennemi ayant contourné par le nord la forêt de
Parroy, attaquait les avant-postes. Le 2ème bataillon
le repoussait et s’emparait de la ferme de la Rochelle en avant
de Jolivet.
Le
22, la retraite sur Bayon était générale. L’artillerie
déployée sur la rive droite de la Vezouse permettait le
repli de la 31°DI. Castelnau avait prescrit un repli, abandonnant
Lunéville pour se porter au sud de la ville sur un terrain plus
facile à défendre avec quatre cours d’eau orientés
dans la même direction.
Au
soir du 22, il faisait donc retraiter les deux divisions du 16°CA
qui s’étaient brillamment battues pendant plusieurs heures.
Les pertes étaient telles que les bataillons se reformaient à
trois compagnies au lieu de quatre. Le 1er bataillon du 122°RI
n’en avait plus que deux. C’est là, près de
Lunéville que tomba Albert PAPAYS, disparu au combat lors
de cette effroyable retraite où son régiment subit une véritable
hécatombe (plus de 500 hommes perdus le 18 août et presque
autant le 22 août qui est le jour ou l’Armée française
subit le plus de perte de toute la guerre et peut être de son histoire).
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Voici comment Jules Blatgé, alors jeune réserviste graulhetois,
relate la retraite du 15ème RI dans son carnet de guerre :
« Ils avaient avancé en Alsace de quarante kilomètres,
ils reculèrent bien de quarante kilomètres dans le cœur
de la France pour trouver un renfort indispensable […] Nos soldats
exténués de fatigue marchaient nuit et jour […] par
une chaleur épouvantable, une soif dévorante et ne mangeant
presque pas[…]Nos hommes, tellement la fatigue était grande,
avaient laissé leur sac dans les fossés, leurs cartouches,
parfois les plus fatigués, leur fusil. »
le
21 au soir, le 15°RI etait aux abords de Lunéville ; le 22,
plus en arrière, à Frambois ; l’espoir de contenir
la lourdes masses ennemies qui débouchaient de la forêt
de Moudon etait vain : Le kronprinz de Bavière, maître
de Lunéville, avançait vers la trouée de la Moselle
entre Bayon et Charmes. L’armée française continuait
son recul ; les Bavarois qui venaient de s’emparer de Gerbéviller
se rendaient maîtres de Rozelieures, où ils organisèrent
rapidement leurs tranchées que dissimulaient de hautes avoines.
La manœuvre allemande dévoila, dans son ensemble, toute
sa menace, si elle arrivait à disjoindre, à séparer
l’Armée de Lorraine de l’Armée des Vosges
; ce serait, par la trouée élargie, la ruée sur
Nancy, le pivot autour duquel le général Joffre opérait
la retraite méthodique des armées françaises, ébranlées
; ce serait la victoire de la Marne compromise déjà dans
ses possibilités. C’etait à cette minute angoissante
et lourde d’avenir que, pour la première fois, le 15ème
régiment d’infanterie etait jeté tout entier dans
la bataille.
Le
25 août, à 2 heures du matin, le 15ème
recevait l’ordre de se diriger sur Borville pour être mis
à la disposition du général commandant la 64ème
brigade, qui commandait le groupement de Borville (quatre bataillons
des 233ème et 230ème d’infanterie,
le 143ème régiment d’infanterie, deux
groupes d’artillerie). Il fallait reprendre Rozelieures. Une première
attaque exécutée à 9 heures par quatre bataillons
des 230ème et 233ème RI venait d’échouer.
A midi, le 15ème RI recevait l’ordre de se porter
à l’attaque ; trois groupes d’artillerie le soutenaient
; le 143ème RI et des éléments du VIII°
C.A. devaient appuyer le mouvement sur la droite. Le 15ème,
formé en colonne de régiment sur la croupe située
au sud-est du village de Borville, se portait à l’attaque.
Alignés dans un ordre parfait, comme pour la manœuvre,
les sections s’élançaient sur un vaste glacis absolument
dénudé et très découvert, qui couvraient
une profondeur d’environ trois kilomètres. Les bataillons,
cibles apparentes et faciles, étaient immédiatement soumis
à des rafales d’artillerie d’une violence extrême,
qui trouèrent les rangs ; en même temps, une vive fusillade
faisait subir de grosses pertes ; le nombre des blessés etait
considérable. Les pertes sensibles semblèrent un moment
briser l’élan de l’attaque ; désemparés,
un certain nombre d’hommes dont les chefs venaient d’être
tués se portèrent vers le bois de Lalou. L’ennemi,
dissimulé dans ses tranchées, caché par les hautes
avoines, continuait son puissant feu. Les lignes françaises cependant
ne reculaient pas. Des compagnies décimées, méthodiquement
se reformaient.
L’ascendant
de nombreux sous-officiers, permettait une reprise en main des groupes
de combat. Soudain, vers 18 heures, les sections se dressèrent
et s’avancèrent à nouveau ; elles franchirent la
petite rivière de l’Euron et progressèrent résolument
sur le village de Rozelieures ; la pente qui y menait fut gravie. L’ennemi
avait fui, laissant de nombreux morts et blessés ; le village
de Rozelieures etait conquis par le 15ème RI. Entraînés
par l’élan des bataillons du 15ème RI,
le 143ème RI et les éléments qui, avec
lui, avaient appuyé l’attaque sur la droite, se portèrent
sur la nouvelle ligne. Battus, refoulés, les Bavarois s’étaient
repliés sur la rive gauche de la Mortagne. La prise de Rozelieures
par le 15ème RI marquait sur le front de la II°
Armée l’arrêt définitif de l’avance
allemande. La journée du 25 août avait été
sévère pour le 15ème RI ; six officiers
étaient tués, quinze blessés, dont le lieutenant-colonel
BEUVELOT, commandant le régiment, ainsi que deux chefs de bataillon
; les pertes étaient de 633 hommes dont le Sergent André
VILLIEN, de Giroussens, inhumé à Borville.
Le
jeune giroussinais BOUTIBONNES, qui allait mourir quelques mois plus
tard avait écrit en mars 1911, lors de son service militaire,
une chanson qui semblait prémonitoire pour ce sous-officier :
Malgré
ces destins tragiques, l’élan était donné
et déjà à 15 heures ce 25 août, Castelnau
avait lancé son ordre du jour : « En avant,
partout, à fond ! ». La 63ème
Brigade s’emparait de la briqueterie d’Envaux et du Bois
de Jontois. L’ennemi reculait de 7 kilomètres et le soir,
le 3°RAC tirait en vue directe sur les dernières colonnes
allemandes retraitant en désordre. Moriviller et La Naguée
étaient repris tandis que le 15°CA s’approchait de
Lunéville ou les Allemands se retranchaient et qu’ils ne
tarderaient pas à abandonner.
Le
27, la 31°DI attaquait Gerbéviller qui n’était
repris que le 29 aux termes de combats acharnés puis libérait
Fraimbois au sud-est de Lunéville. Lourdement éprouvées,
les unités du 16°CA faisaient maintenant face aux bavarois
dans l’impossibilité d’avancer à nouveau et
qui allaient se résoudre à maintenir la pression sur Nancy
dès le 4 septembre afin de fixer les 2 armées françaises
de l’Est pendant que la bataille allait maintenant se jouer au
nord-ouest. Mais, Joffre, rassuré par l’attitude de Castelnau
et de Dubail allait prélever plusieurs corps sur les I° et
II° Armées. Affaiblies par ces transferts, elles étaient
donc condamnées à une attitude de défensive mais
c’est de la solidité de leur résistance en particulier
sur le Grand-Couronné qu’allait dépendre la manœuvre
conduite sur la Marne. Durant près d’un mois, les unités
du 16ème CA durent assurer la défense de la
Lorraine, devant Nancy et Toul, pendant la Bataille de la Marne.
C’est
le 16 septembre, dans la forêt de Parroy, que tombait Joseph
MELOU, du 80ème RI, tué à l’ennemi.
Le
21 septembre, le 16ème Corps d’Armée
recevait l’ordre de se porter en une seule colonne dans la région
de Fontenoy-sur-Moselle. Le 22, l’ordre arrivait de prendre l’offensive
dans la direction générale Flirey-Essey ; la 32ème
Division formait la réserve d’Armée. Il s’agissait
de stopper une attaque allemande en Woëvre.
Le
23, la division entrait en ligne entre la 31ème et
la 73ème Division de Réserve, ayant comme objectif
le bois de Mort-Mare et le bois d’Envezin. Les bataillons essayaient
de déboucher, mais étaient accueillis par des salves d’artillerie
bien réglées.
Le
24 septembre, dès la pointe du jour, le 53ème
attaquait le bois de la Voisogne, solidement tenu par des mitrailleuses
qui produisirent des pertes considérables dans ses rangs. On
put s’avancer jusqu’à 400 mètres du bois,
mais il fut impossible ce jour-là, malgré de nombreuses
tentatives et des efforts inouïs, de s’emparer de la lisière
sud du bois de la Voisogne.
On creusa des tranchées, on se cramponna
au terrain ; le 3ème bataillon du 53ème
RI fit face à une contre-attaque ennemie venue du bois de la
Hazelle et la repoussa. Ce régiment fut relevé dans la
nuit par le 342ème et alla cantonner à Noviant-les-Prés.
Les
25 et 26 septembre, la 63ème Brigade etait en réserve.
L’ennemi se retirait ; on le poursuivit par Minorville, dans
la direction de Bernécourt et de Flirey. Successivement, l’Allemand
etait chassé des bois de Hazelle et de quelques éléments
de tranchées qu’il occupait à l’ouest de Flirey,
mais le bois de Mort-Mare etait fortement occupé par l’ennemi
et la progression devint très difficile. Le bois de la Voisogne
etait à nouveau attaqué par le 80ème
d’Infanterie le 27 septembre.
A
la 31° DI, le 81ème régiment alerté
le 21 septembre, se portait vers le nord-ouest afin de couvrir Toul.
L’ennemi attaquait en force venant de Bernécourt. Le 22
par une action de nuit il etait arrêté, bousculé
et refoulé jusque derrière Bernécourt. Le 23, le
bois de la Hazelle au nord de ce village etait atteint. Le 24 nous nous
y installions. Après ces jours et ces nuits de perpétuelle
fièvre, le 81ème prenait du repos à
partir du 29 dans la région de Grosrouvres. Le 30, dans ce village,
une prise d’arme eut lieu pour la remise au caporal de Gironde
de la première Médaille Militaire du régiment.
Mais dès le 1er octobre, il était de nouveau
engagé. Il occupait tour à tour les tranchées (dont
l’usage s’établit dès lors) des bois de Remières,
de Jury et de la Hazelle. C’est lors de l’engagement du
1er octobre que Joseph Lucien Mathurin VALATX fut
porté disparu au combat.
Les
combats des 1er, 5 et 6 octobre avaient permis en moins de
dix jours, de gagner plusieurs kilomètres. Les hommes se familiarisèrent
avec les nouveaux procédés de combat : on employait
déjà la grenade ou plus exactement le pétard à
palette ; les boucliers, le sac à terre étaient utilisés.
On posait des fils de fer, ébauche des futurs réseaux
de barbelés profonds d’une dizaine de mètres. La
guerre en quelques jours changea d’aspect.
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Cérémonie
au 81°RI en septembre 1914 ; un bombardement du PC du
régiment avait déchiqueté le drapeau et blessé
plusieurs officiers et soldats.
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Pendant
ce temps, le 128°Régiment d’Infanterie Territoriale
formé le 12 août 1914 à Albi avec des hommes des
classes les plus anciennes (1893 à 1899) avait été
dirigé sur le Maroc via Sète. Les 15 et 16 août,
l’Etat-Major et le 1er bataillon embarquaient sur l’ « Alda »
pour Casablanca pendant que les 2ème et 3ème
bataillons, étaient pris par le « Médie »
qui débarqua ces unités à Méhédya.
Le
rôle que joua le 128e R.I.T. et les quelques autres
bataillons territoriaux envoyés au Maroc fut défini par
le Général LYAUTEY dès la déclaration de
guerre : « Pas un pouce de terrain occupé
ne sera abandonné ; le front ne sera donc pas dégarni.
Agir autrement serait l’effondrement de l’action française ;
le Maroc mis à feu et à sang ; la révolte
presque assurée et gagnant l’Algérie, la Tunisie,
si ardemment travaillées par les émissaires allemands.
En conséquence, au lieu de laisser ou de ramener à la
côte les effectifs dont dispose la Colonie, ce sont au contraire
les troupes de la côte qui seront jetées en avant. A tout
prix, il faudra se maintenir sur l’Atlas, garder intacte l’armature
de nos postes. »
Aussi,
dès leur arrivée au Maroc, les bataillons territoriaux
étaient envoyés soit dans les postes de l’avant,
soit employés dans des tournées de police. Ils relevèrent
les unités actives envoyées en France et il semble que
la guerre ne changea rien au plan de conquête en exécution.
Arrivé
le 19 août à Mehediah, le 3ème Bataillon
etait dirigé sur Kenitra puis sur Meknès. Dès son
arrivée à Meknès, la 9ème Compagnie
était mise en route sur El-Hadjeb avec la 10ème
Compagnie. La 11ème Compagnie était envoyée
à Oulmes. La 12ème Compagnie stationnait à
Meknès. Au mois de novembre, la 9ème Compagnie
quittait El-Hadjeb pour occuper Marchand, Maaziz et Merzaga. Le 4 novembre
1914, Joseph AZEMA décéda à Mekhnès
des suites de maladie contractée en service. Il faut noter que
la plupart des pertes au Maroc où il eut tout de même de
nombreux accrochages avec les rebelles indépendantistes, furent
principalement dû aux maladies contractées par les territoriaux
sensibles aux épidémies. On pourrait penser que les régiments
territoriaux envoyés au Maroc, en Algérie ou en Tunisie
étaient loin de la guerre, qu’ils en ignoraient les peines
et les dangers ; mais il faut se rendre compte que ces troupes
ont éprouvé privations et souffrances, et ont payé
un large tribut à la maladie et à la mort. Elles ont fait
tout leur devoir dans des conditions d’existence rendues pénibles
par le climat, par l’insalubrité de l’eau, par le
manque de tout, dans l’éloignement de tout, dans l’isolement
absolu, loin de la métropole et souvent ne pouvant profiter de
permissions de détente à cause de la rareté des
paquebots, des longs jours, des longues semaines de stages ruineux et
déprimants dans les ports en attendant le bateau de retour.
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Groupe de territoriaux
tarnais du 128ème Régiment Territorial
d’Infanterie au Maroc, en 1914 |
Du
côté des coloniaux, en août 1914, la 2°DIC entrait
dans la composition du Corps d’Armée Colonial, affecté
à la IV° Armée (De Langle de Cary) tout comme le 17ème
Corps de Toulouse. Primitivement laissée en réserve à
l’ouest de la Meuse, cette armée était orientée
vers la région de Stenay dès que les Allemands accentuaient
leur vaste mouvement tournant par la Belgique. Elle venait donc prendre
place entre les III° et V° Armées. Concentré dans
la région de Bar-le-Duc, le CAC se déplaçait à
partir du 11 août selon l’axe Dombasle-en-Argonne, Dun-sur-Meuse
(la Meuse était franchie le 16 entre Vilosnes et Dun), Stenay
(où il stationnait à partir du 17). La 2°DIC était
en réserve de corps d’armée entre Chauvency-le-château
et Stenay. Le 21 août, l’offensive générale
des III° et IV° Armée était ordonnée afin
de tomber sur le flanc des cinq Armées allemandes que l’on
croyait toutes en marche vers l’ouest. Mais les 4° et 5°
Armées allemandes avaient pivoté le même jour sur
leur gauche et faisaient maintenant face aux deux armées françaises.
C’était des armées deux fois plus puissantes que
prévu (dix corps au lieu des cinq imaginés par l’emploi
d’unités de réserve accolée à des
unités d’active), bien retranché sur un terrain
boisée et disposant de moyens d’artillerie bien supérieurs,
que devaient alors affronter les corps d’armées français
dans une bataille de rupture. Entamé le plus souvent en colonne
de marche, dans les pires conditions, la bataille était un échec
partout, sur le front entier des III° et IV° Armées.
Après la Bataille de Rossignol et une longue retraite ponctuée
de combats de retardement, le CAC s’arrêta le 5 septembre
au sud de Vitry-le-François et se regroupa. La contre offensive
générale était alors décidé pour
le 6, sur la Marne.
Joffre
lançait son ordre du jour transmis le matin même :
« Au moment où s’engage une bataille dont
dépend le sort du pays, il importe de rappeler à tous
que le moment n’est plus de regarder en arrière ;
tous les efforts doivent être employés à attaquer
et à refouler l’ennemi. Une troupe qui ne peut plus avancer
devra, coûte que coûte, garder le terrain conquis et se
faire tuer sur place plutôt que de reculer. Dans les circonstances
actuelles, aucune défaillance ne peut être tolérée ».
La
fin de cet ordre du jour laissait planer les menaces des exécutions
sommaires qui longtemps resteront ignorées par l’Histoire
de France.
La
IV° Armée avait reculé sur une ligne qui s’étendait
de Sommepuis à Sermaize ; le CAC se regroupait à
l’est de Vitry-le-François, le gros de la 2°DIC s’échelonnant
de Villotte à Blaise-sous-Arzillières. En pointe par rapport
aux autres corps de la IV° Armée, les deux divisions coloniales
allaient supporter dès le 6 septembre, au matin, les attaques
allemandes sur Luxèmont, Villotte et Vauclerc. Pendant 2 jours
les coloniaux faisaient front seul, jusqu’à l’arrivée
du 2°CA. La 2°DIC devait supporter le choc adverse et le point
d’appui du Mont Moret changeait de mains à quatre reprises.
Le
10, les attaques allemandes cessaient mais de violents bombardements
de leur artillerie pilonnaient les positions françaises. Le 11,
au matin, la fusillade et la canonnade cessaient et c’etait le
repli allemand. En effet, l’attaque de l’Armée Maunoury
sur l’Ourcq, dont l’existence avait été dissimulée
assez longtemps aux renseignements allemands avait permis sinon de percer
le flanc droit de la 1° Armée allemande, mais d’obliger
Von Kluck à décaler son armée vers l’ouest.
Ce faisant, un vide était créé entre les 1°
et 2° Armées allemandes. Cette
favorable situation n’était pas exploitée mais elle
obligeait tout de même les Allemands des 1° et 2° Armées
à un repli vers le nord dès le 9 septembre. La stupéfiante
résistance des III°, IV° et IX° Armées françaises
sur la Marne pendant encore deux journées face aux 3°, 4°
et 5° Armées allemandes allaient parachever le « miracle
de la Marne » que Von Kluck allait ainsi résumer :
« Que des hommes se fassent tuer sur place,
c’est là une chose bien connue et escomptée dans
chaque plan de bataille. Mais que des hommes ayant reculé pendant
dix jours, que des hommes couchés par terre, à demi-morts
de fatigue, puissent reprendre le fusil et attaquer au son du clairon,
c’est là une chose avec laquelle nous n’avions jamais
appris à compter ; c’est là une possibilité
dont il n’a jamais été question dans nos écoles
de guerre…».
D’abord
prudemment lancée par le CAC, la poursuite débutait dès
le 12 septembre, vers le nord, en deux colonnes ; la 3°DIC
à l’est et la 2°DIC à l’ouest, sur l’itinéraire
Bassuet, Vanault-le-Châtel. A part le 13, où l’ennemi
faisait front par des tirs d’artillerie, les Allemands se dérobaient
et les têtes de colonnes atteignaient Valmy et Braux-Sainte-Cohière
dans la soirée. Mais le 14 septembre, les coloniaux, épuisés
par une avancée de 25 kilomètres en 2 jours se heurtaient
à des positions solidement organisées sur la ligne Beauséjour,
Massiges, Ville sur Tourbe. La 2° DIC attaquait les 14 et 15 septembre
mais le bastion naturel que représentait ce secteur qui bientôt
prendrait pour nom « la main de Massiges » allait
résister quatre années. Un engagement important avait
lieu les 25 et 26 septembre, suite à une attaque allemande au
nord de Minaucourt ; lors de la contre attaque, le 24ème
RIC s’emparait du drapeau du 69ème Régiment
allemand et de 300 prisonniers, au prix de 470 tués. Mis à
part ce combat, la période qui débutait sur cette partie
du front se résumait à de meurtriers duels d’artillerie
et de mousqueterie. L’Etat-Major ne décidait que le 1er
octobre l’établissement d’un réseau méthodique
de tranchées et de boyaux. On avait mis quinze jours avant de
comprendre que la guerre de mouvement était finie. On rentrait
dans une guerre de positions.
La ligne occupée par le 4°RIC, accrochée aux pentes
sud de la Main de Massiges, entre la côte 191 et le ruisseau
de l'Etang, etait complètement dominée par les tranchées
ennemies qui couronnaient la crête. Tout mouvement de jour y était
impossible : les patrouilles ne pouvaient se déplacer que très
prudemment, devant un ennemi très vigilant et d'autant plus actif
qu'il se sentait fortement soutenu par une nombreuse artillerie.
Du
17 au 26 septembre, l'ennemi ne manifesta pas d'activité sérieuse
sur le front du Régiment. Les unités profitaient de ce
calme relatif pour organiser leurs positions, mais les travaux très
pénibles, ne pouvaient s'effectuer que la nuit. Le village de
Massiges où les unités étaient en réserve
à tour de rôle étant quotidiennement bombardé
par l'artillerie ennemie, finit par être abandonné et les
hommes couchaient en permanence dans les tranchées qui furent
approfondies et aménagées en conséquence : banquettes
de tir, niches individuelles, créneaux. Pendant quelques jours
les pertes occasionnées par le tir de l'artillerie allemande,
continuaient cependant à être fortes, en raison du manque
de boyaux et de l'insuffisance des tranchées hâtivement
construites avec les outils portatifs. La distribution des outils de
parc et l'organisation des travaux sous la direction des gradés
du génie, permettaient d'améliorer la situation.
Le 26 septembre, à 4 heures, profitant d'un brouillard intense
qui rendait presque invisible les tranchées, l’ennemi attaquait
sur tout le front de la Division. Le 8°RIC résistait sans
céder un pouce de terrain, mais à droite, la côte
191, tenue par le 4e R.I.C., était perdue, et à gauche,
la 6e B.I.C perdait la côte 180 et était rejetée
au sud du Marsous. Par une brillante contre-attaque, un bataillon du
4e R.I.C., renforcé par une compagnie du 8e R.I.C. réoccupa
dès 6 heures la côte 191. Vers 7 heures, une deuxième
contre-attaque était déclenchée sur la côte
180 ; exécutée par le 24e R.I.C. et le 2e Bataillon du
8°RIC, elle permettait de récupérer tout le terrain
perdu.
A
partir de cette date, la guerre de mines commença. De part et
d'autre, on travaillait avec ardeur et sans relâche, à
organiser méthodiquement la position, à réparer
les dégâts causés par l'artillerie adverse, à
fortifier les réseaux des défenses accessoires, à
aménager des abris, à préparer des mines ou des
contre-mines. Les quelques engagements de patrouilles, de reconnaissances,
n'arrêtaient que momentanément cette ardeur. Les travaux
étaient poussés très activement, et les pertes
diminuaient de jour en jour. Mais cette guerre de mines était
énervante et les hommes avaient l'impression d'être sur
un véritable volcan. Cependant, c'est avec une opiniâtreté
qui mérite de rester légendaire, que nos braves coloniaux
disputaient à l'ennemi le droit d'occupation des immenses entonnoirs,
creusés par les nombreuses mines ennemies. Malgré leurs
vigoureuses et nombreuses tentatives locales, les Allemands, dans les
sous-secteurs du Médius et de l'Annulaire, occupés par
des fractions du Régiment, ne pouvaient obtenir aucun résultat
appréciable.
Entre
temps un tour régulier de relève avait été
organisé dans la Division. La 4e B.I.C. se relevait avec la 6e
B.I.C. Le Régiment, tantôt relevé par le 22ème
tantôt par le 24ème R.I.C., passait successivement
huit jours en ligne et quatre jours au repos à Courtemont. Dans
ce village de la Champagne agricole, les hommes étaient logés
dans de grandes granges, mal fermées, mal éclairées.
Toute
idée de grande offensive devait être écartée
pour quelque temps, par suite de l'hiver qui s'annonçait pluvieux
et froid. Le 6 novembre, probablement lors d’une patrouille ou
d’un tir de mine, Léopold AUZEL, du 4°RIC était
tué à l’ennemi.
|
Léopold
AUZEL, vers 1902 à
l'époque de son service militaire au 143ème Régiment
d'Infanterie de Castelnaudary.
A la mobilisation en 1914, il sera affecté au 4ème
Régiment d'Infanterie Coloniale de Toulon. |
A
cette même époque, le 16°CA était transporté
dans les Flandres au secours des Armées belge et Britannique.
Retardée par sa montée en ligne dans le Soissonais, la
32ème DI, partie les 29 et 30 octobre de Le Meux,
au sud de Compiègne, arrivait les 30 et 31 à Hazebrouk
et Poperinghe. Transportés sur le front en auto-camions, ses
régiments renforçaient la 31ème DI en
attaquant devant Wytschaete, perdu la veille par les Anglais. Ces derniers
avaient été fortement ébranlés les jours
précédents et alors qu’ils commençaient à
évoquer un rembarquement, Foch, qui avait pris le commandement
des armées du Nord, parvenait en ces termes, à convaincre
French qu’il était possible de continuer la lutte :
« Je vous donne huit bataillons de la 32èmeDivision
que m’envoi le général Joffre. Prenez-les, et repartez.
Moi, j’attaque à droite et à gauche ».
Le 143ème RI, recomplété par des renforts
allait prendre, perdre et reprendre Wytschaete à cinq reprises ;
de sorte que le 11 novembre, il ne restait plus que 360 hommes au régiment.
Le 7 novembre, Jules Blatgé témoigne de ces évènements :
« Il y a six jours que nous sommes en première
ligne sous les obus et les balles, ça barde beaucoup ici. La
nuit du 4, le 143ème a du supporter
l’assaut des allemands. Ils veulent rentrer coûte que coûte,
jamais on n’avait assisté à pareil carnage, ils
ont beaucoup d’artillerie et tirent presque sur leurs lignes[…]
le 6 à dix heures, nous avons reçu une secousse de tremblement
de terre que nous ne pouvons pas comprendre (il devait connaître
là sa première expérience de la guerre de mines
- ndla)… il nous a fallu évacuer notre tranchée
et se porter un peu plus à l’arrière… ».
Le 16ème corps était arrivé « in
extremis », avant la rupture des lignes de défenses
anglaises.
|
Carte de
la région d’Ypres et du Mont Kemmel.
|
Le 8 (et
jusqu’au 13), le 81ème était déplacé
au sud, vers Zillebecke afin de contenir les attaques allemandes qui
venaient de refouler là aussi les Anglais. Dans des conditions
climatiques difficiles, sur un sol boueux, les unités du 16°CA
allaient lutter chaque jour, du 2 au 14 novembre 1914 et enrayer chaque
fois les attaques allemandes devant Ypres. Le 9 novembre 1914, Joseph
CLOUP du 15°RI tombait à Pilkem (près d’Ypres
en Belgique) et deux jours plus tard, le 11 novembre 1914, ce fut au
tour de Clément BOUTIBONNES, du 80°RI, tué
à Wytchaëte.
Le 27°BCA (formé à
Menton), du 15°CA de Marseille, composé d’ardéchois,
de provençaux et de pyrénéens avait été
envoyé (avec plusieurs autres bataillons de Chasseurs Alpins)
dans les Flandres en renfort et tint les tranchées à
Ypres, Poperinghe et Langemark aux côtés du 16°CA ;
puis le 27 décembre, il était transporté au nord
d’Arras afin d’attaquer le village de Carency (dans le
Pas de Calais). Célestin ESCOUTE, tomba là, le
28 décembre 1914 au côté de 500 autres hommes
de son bataillon.
|
Ruine de
Carency (Pas de Calais) Fin 1914
|
Depuis
le 14 décembre, une grande action offensive en liaison avec
les Anglais avait été entreprise par toute la 8ème
Armée en direction de Hollebecke et Hauthem. La 63ème
brigade attaquait par régiments accolés. Le 53ème
ayant un bataillon en première ligne (3ème
bataillon sous le commandement du capitaine Nicolai) attaquait le
bois du Confluent. A 7h45, malgré une violente préparation
d’artillerie, le bataillon se portait en avant, mais ne pouvait
franchir, en raison de la violence de la mitraille ennemie, les réseaux
de fil de fer de notre première ligne et était obligé
de se placer dans des tranchées abandonnées et remplies
d’eau. Impossible d’avancer dans le jour, mais à
la faveur de la nuit, le 3ème bataillon se porta
en avant et réussit à gagner du terrain qui, rapidement,
est organisé. Le 15 décembre, il était relevé
par le 2ème Bataillon de Chasseurs.
Le
16, le régiment attaquait à nouveau le bois 40 et réussissait,
malgré la violence du feu ennemi, à s’avancer
à 80 mètres environ de la lisière du bois. Au
cours de cette attaque, le 53ème subit des pertes
sérieuses ; cette lutte perpétuelle, alternant
avec des courts repos, se poursuivit avec ténacité dans
les tranchées à l’est et au sud d’Ypres
jusqu’au 17 janvier. Augustin RANDOU clôtura les
combats des Flandres et débuta la douloureuse liste des morts
de la commune pour l'année 1915. Il tomba au Bois 40, en Belgique,
le 5 janvier 1915.
Après
la « Course à la Mer », le front s’était
partout stabilisé ; la guerre s’enlisait. Le haut commandement
voulait sortir d’une situation indécise qui pourrait
se prolonger et répondit à la pression des russes qui
subissaient des revers à l’Est. Joffre décidait
donc d’attaquer dès la mi-décembre sur deux secteurs
simultanément : L’Artois et la Champagne. 3 régiments
de réserve du Midi étaient présents en Artois
au sein de la 58°DR. Mais c’est surtout en Champagne que
les méridionaux ont combattu. Le Corps d’Armée
Colonial et le 17°CA de Toulouse faisaient partie de la 4°Armée
qui était sollicitée pour cette offensive et se trouvait
entre la Suippes et l’Argonne depuis septembre.
Le
20 décembre, le CAC et le 17e corps se lançaient
à l’assaut entre Souain et Massiges ; la 33ème
division lança trois attaques, fortes de chacune un bataillon
après une préparation d'artillerie : l'attaque de droite
(un bataillon du 20e régiment d'infanterie de Marmande) se
heurta à des réseaux intacts et s'arrêta au pied
même de ces réseaux ; il en etait de même pour
l’autre bataillon du 20ème qui attaqua au
centre. Le bataillon du 207ème d'infanterie de Cahors,
à gauche, parvenait jusqu'au bois des Bouleaux, mais ne pouvait
y pénétrer.
La
34ème division attaqua avec quatre bataillons de
la 67ème brigade : deux du 83ème
de St Gaudens, deux du 14ème régiment d'infanterie
de Toulouse. Bien que les réseaux ennemis aient été
en partie bouleversés par deux fourneaux de mine et par un
tir des mortiers de 15, leurs brèches n’étaient
pas suffisantes et les vagues d'assaut furent clouées au sol.
Seul, un bataillon du 83ème régiment d'infanterie
put enlever quelques éléments de tranchées et
s'y maintenir. Mais 700 hommes étaient mis hors de combat.
Le
21 décembre, le corps colonial organisait le terrain conquis
et repoussait à 11 heures et à 15 heures, deux violentes
contre-attaques allemandes. Au 17ème corps, la 33ème
Division avait réussi à faire quelques progrès
pendant la nuit. A la 34ème division, après
une bonne préparation d'artillerie par des 155 et des 75, un
bataillon du 83ème régiment d'infanterie
et le 59ème étaient lancés à
l'attaque, au début de l’après-midi ; ils atteignaient
la route de Perthes à Souain et la bordaient.
Le
12ème corps, qui avait pour mission d'attaquer sur
Souain et le moulin de Souain, devait déclencher ses attaques
à 9h30, après une préparation d'artillerie d'une
heure. Malgré l'ardeur des assaillants, et en particulier du
78ème régiment d'infanterie, les attaques
échouèrent devant les défenses insuffisamment
détruites. Les pertes étaient particulièrement
lourdes : 32 officiers et 1300 hommes hors de combat.
Le
lendemain, 22 décembre, on se contenta, sur le front de la
4° Armée, d'organiser le terrain conquis et de repousser
les contre attaques : le 83ème régiment d'infanterie
dut même charger à la baïonnette.
Le
23 décembre, l'offensive continua au 17° corps d'armée.
La 33ème Division attaqua la position dite des «
Tranchées Brunes ». Quatre cents mètres de tranchées
formidablement organisées, flanquées par des canons
sous coupoles et des caponnières cuirassées, étaient
rapidement conquis par un bataillon du 20ème et
un bataillon du 7ème régiment d'infanterie
de Cahors, grâce à la précision du tir de préparation
des groupes de l'artillerie divisionnaire de la 3ème
division. Les tranchées conquises étaient jonchées
de cadavres « feldgrau ». Toutes les contre-attaques
allemandes se brisaient sous les feux des français. Après
ce succès, la 33ème division, avec deux compagnies
du 11ème régiment d'infanterie de Montauban,
enlevait, le 24 décembre, les importantes positions du bois
jaune et du bois des Moutons, et arrêtait toutes les contre-attaques
des Allemands, malgré leur violence.
Pendant
les journées suivantes des 25, 26 et 27 décembre, les
corps de la 4° Armée continuèrent d'organiser les
positions conquises, les relièrent par des boyaux de communication
aux tranchées de départ et préparèrent,
tant par des réglages d'artillerie que par des avancées
à la sape, l'attaque future des positions ennemies. Dès
le 25 décembre, le général de Langle avait modifié
son plan primitif et adressé ses corps de nouveaux ordres.
l'effort principal devant être fait par le 17ème
corps, le 1er corps et le corps colonial, entre Perthes
et Massiges,
Le
17° corps d'armée lançait, le 30 décembre,
sa 33ème Division sur les « Tranchées
Blanches », ouvrage situé au nord-est de l'extrémité
nord des « Tranchées Brunes ». La préparation
d'artillerie ne pouvant commencer qu'à 12h30 ; l'attaque etait
déclenchée à 14h45.
Le
1er bataillon du 9ème régiment
d'infanterie d’Agen enlevait les « Tranchées Blanches
» d'un seul bond et les dépassa, suivi par le 2ème
bataillon du même régiment, tandis que le 3ème
bataillon etait arrêté dans les boyaux. Les 7ème
et 20ème régiments d'infanterie restaient
au « bois Jaune » et au « bois des
Moutons ».
A
la 34ème Division, l'attaque etait déclenchée
à 15 heures. Mais au 88ème régiment
d'infanterie d’Auch comme au 83ème, on éprouva
de grosses difficultés pour déboucher des boyaux étroits,
où les troupes d'assaut avaient dû être maintenues
pour échapper au violent bombardement de l'ennemi. La progression
etait nulle.
Les
Allemands, à l'aube du 31 décembre, lançaient
une violente contre-attaque contre les « Tranchées Blanches
» ; ils étaient repoussés avec de lourdes pertes,
mais soumettaient les Français à un bombardement terrible.
Le mauvais temps, la fatigue des troupes, les faibles allocations
de munitions que le G. Q. G. pouvait mettre à la disposition
de la 4° Armée, amoindrissaient les efforts. Trois sections
du 127ème régiment d'infanterie tentaient
de s'emparer du « Fortin » au nord de Beauséjour
; elles échouèrent sous le feu des mitrailleuses ennemies.
Dans
la nuit du 7 au 8 janvier, à la cote 200, à quinze cents
mètres de Perthes-les-Hurlus, les Allemands, après un
très violent bombardement, renversaient le barrage de sacs
à terre qui les séparait de nos tranchées et
s'emparèrent du saillant. A deux reprises, le 83ème
régiment d'infanterie essaya de reprendre à la grenade
la tranchée perdue ; mais il échoua.
|
Fantassins
se préparant au lancement de grenade
devant Perthes-les-Hurlus, en 1915
|
C'est un bataillon frais du 14ème
régiment d'infanterie qui, après un tir d'écrasement,
pouvait réoccuper le saillant de la cote 200. C’est lors
de cette attaque que Célestin ALBY était touché ;
il décédait le jour même des suites de ses blessures.
Menacés dans Perthes-les-Hurlus, les Allemands évacuaient
alors le village dont les ruines, jusqu'à la lisière
nord, furent occupées par le 88ème régiment
d'infanterie.
Dans
la nuit, une violente contre-attaque du 69e régiment d'infanterie
allemand sur Perthes et la cote 200, se brisa et coûta 200 tués
à l'ennemi.
Le
lendemain 9 janvier, après une intense préparation d'artillerie,
notre 1er corps entrait en action au nord du bois des Trois
Coupures et à l'ouest de Beauséjour. Le « Fortin
» etait enlevé mais les hommes ne purent en déboucher.
Les troupes étaient harassées. Devant elles, l'adversaire
se réorganisait. Les pertes s'accentuaient.
Du
20 décembre au 6 janvier, le 17ème corps
de Toulouse avait perdu 89 officiers et 5.256 hommes ; il avait cependant
réussi, à hauteur de la cote 200 et de Perthes-les-Hurlus,
à reporter à plus de deux kilomètres au nord,
notre première ligne. Plus de 5300 tués pour 2 km
de territoire reconquis en 2 semaines !
Pour
autant, Joffre sommait De Langle de Cary de renouveler ses attaques
rapidement afin de ne pas laisser l’adversaire souffler. C’etait
la tactique du « grignotage ». Mais les attaques
furent successivement ajournées par suite du mauvais temps
et l’offensive n’était relancée le 16 février
1915. Mais l’engagement des 1er et 17ème
Corps d’Armée puis des 4ème et 2ème
se faisait au compte-gouttes et l’attaque piétinait.
Pressé par Joffre, le chef de la 4° Armée recevait
en renfort les 12ème et 16ème
Corps d’Armée qui eurent mission de percer le front d’Auberive
et de Souain vers Somme-Py le 27 février. Le Corps d’Armée
de Montpellier etait engagé début mars avec le soutien
du Corps d’Armée Colonial. Le 7 mars, une première
attaque permettait de prendre pied dans le Bois sabot (dont il ne
reste que quelques souches au ras du sol) mais il faudrait huit jours
pour s’en rendre maître complètement. L’affaire
permettait de se rendre compte que les attaques exigeaient une préparation
soignée par l’artillerie lourde et de grandes quantités
de munitions ; ce qui faisait défaut à ce moment
là de la guerre.
Le
6 mars, le 15ème recevait l’ordre pour le
lendemain, d’enfoncer les premières lignes ennemies,
de s’emparer du Bois Sabot au nord de la route de Souain à
Perthes. Il devra ensuite avec le 143ème R.I., exploiter
et élargir ses gains, et poursuivre son avance jusqu’au
trou Bricot qui est désigné comme objectif ultérieur
de l’attaque.
Le
7 mars, après une préparation d’artillerie, le
15ème donnait l’attaque au Bois Sabot, le
1er bataillon sur la face ouest, le 2ème
bataillon sur la face sud, le 3ème bataillon en
réserve à six cents mètres environ au sud. Les
troupes étaient placées à cent cinquante mètres
des lignes ennemies dans une tranchée nouvelle creusée
en hâte, les nuits précédentes. A 10 heures précises,
sur le front des deux bataillons, les clairons que l’on n’avait
plus entendu depuis de nombreux mois sonnent la charge ; d’un
bond, les sections s’élançaient d’un même
mouvement, hors de la tranchée ; les compagnies du 1er
bataillon atteignaient rapidement la corne ouest du Bois Sabot, et
s’y maintenaient ; celles du 2ème bataillon
franchissaient les réseaux de fil de fer, désorganisés
par le bombardement ; d’un bord, elles atteignaient la première
tranchée allemande. Les Allemands, culbutés nous laissaient
des prisonniers et s’enfuirent poursuivis par les nôtres
qui s’avançaient vers la deuxième ligne allemande,
s’en emparaient et l’organisèrent. Les compagnies
d’attaque et les compagnies de renfort, subirent des pertes
nombreuses en tués et en blessés et furent privées
de la plupart de leurs chefs. C’est au cours de ces combats
que tombait le caporal Jean DENARD. Pendant toute la durée
de l’attaque et de l’organisation des nouvelles positions,
l’artillerie ennemie (lourde et de campagne), bombarda violemment
nos nouvelles lignes ; c’est au cours de ce bombardement que
fut mortellement blessé ce même jour, le lieutenant-colonel
RAUCH, commandement le 15ème régiment d’infanterie.
Dans
la nuit du 7 au 8 mars, les compagnies qui occupaient la partie ouest
du bois Sabot eurent à résister à plusieurs attaques
allemandes débouchant des boyaux de communication ennemis.
Au lever du jour, une compagnie allemande attaqua le front est du
bois, pendant qu’une autre compagnie attaqua le front nord-ouest,
cherchant à tourner le bois Sabot par la corne ouest. Après
un reflux de deux compagnies, le 3ème bataillon
contre-attaqua à la baïonnette et repoussa l’ennemi
à la lisière nord du bois Sabot.
|
Début
1915 :
Infirmier dans ce qui reste du Bois Sabot.
|
L’extrême
fatigue des hommes ne permit pas de songer à pousser plus
en avant. Les heures qui suivirent furent employées à
organiser la position ; le soir, au moment où le 15ème
était relevé par le 143ème régiment
d’infanterie, les positions conquises étaient partout
maintenues.
Le
8 mars, le 3ème bataillon du 143ème
RI s’installait dans la partie conquise du Bois Sabot, et
renforçait la position ; le 1er bataillon,
dans les tranchées longeant la route Souain-Perthes ;
le 2ème bataillon à proximité du
boyau conduisant aux premières lignes.
Le
9 mars, le 143ème recevait l’ordre de continuer
l’offensive, dans la direction côte 170-Trou Bricot :
Objectif du 1er bataillon : de l’extrémité
sud du bois à la partie nord du Talon. Objectif du 3ème
bataillon : de ce dernier point à la lisière
nord du bois.
Le
terrain sur lequel allait s’engager le combat etait difficile,
presque complètement dépouillé d’arbres,
rempli d’excavations, de tranchées à moitié
détruites. Partout des vestiges de défenses accessoires,
qui entravaient la marche. Au sud du Bois Sabot et devant nos tranchées
de premières lignes, un thalweg de 150 mètres de large
offrait un précieux champ de tir pour l’adversaire.
Au sud de ces tranchées de première ligne, terrain
boisé mais déchiqueté par l’explosion
des projectiles et présentant de nombreux boyaux battus très
facilement par l’artillerie ennemie.
L’attaque
eut lieu exactement à 7 heures, mais les compagnies des 1er
et 3ème bataillon ne progressèrent que
lentement, car elles étaient, dès leur départ,
très vivement prises à partie par un feu intense d’artillerie
lourde et de mitrailleuses. Dès 9h45 toute progression etait
impossible. Les pertes énormes ; les renforts envoyés
par le Colonel (1 Cie à chaque bataillon) ne pouvaient arriver
à l’emplacement qui leur avait été assigné.
Seule la section du Lieutenant Lota, de la 8ème
Cie, parvint à l’intérieur du Bois Sabot. Le
Colonel donna l’ordre de s’accrocher au terrain et de
l’organiser : chaque bataillon avait gagné 100
mètres ; deux violentes contre-attaques menées
avec des effectifs importants par l’ennemi ont été
enrayées. Le soldat Emile RANDOU fut tué à
l’ennemi lors de cette attaque.
L’ultime
phase de la bataille commença le 12 mars. Après une
préparation d’artillerie, l’assaut donné
par le 17ème CA sur tout son front dans la matinée
etait un échec ; il etait renouvelé le même
jour dans la soirée, sans plus de résultat. Le peu
de gain obtenu amenait Grossetti à proposer à De Langle
de Cary de commencer par enlever la côte 196, au nord de Mesnil
les Hurlus.
L’attaque
des 16ème et 17ème CA donna
des gains limités et un dernier effort le 18 mars permit
d’enlever le « bois jaune brûlé »
sur les pentes sud de la hauteur 196 dans lequel les Allemands avaient
savamment multiplié les fortifications. Le 13 mars, le 122ème
RI recevait l’ordre d’attaquer sur l’axe « Butte
du Mesnil, ferme de Beauséjour » les tranchées
allemandes du « ravin des Cuisines ». La Butte
du Mesnil était très fortement organisée, défendue
en particulier par le fortin de la côte 196 à l’ouest
et le fortin de Beauséjour à l’est. Il s’agissait
de tourner la butte par l’ouest.
Menée
par le 2ème bataillon qui attaqua deux fois dans
la journée, cette première opération ne fut
pas heureuse et coûta de sérieuses pertes : 3
officiers tués, 1 blessé ; 12 hommes tués,
46 blessés. Le 14, deux bataillons (2ème
et 3ème) attaquaient les positions de la côte
196. Des mitrailleuses installées dans le Ravin des Cuisines
laissaient les compagnies se déployer et les prenaient par
de violents feux de flanc. Le chef de bataillon Cristofari, commandant
le 3ème bataillon, fut tué d’une
balle à la tête. Cependant les deux bataillons progressaient
d’une centaine de mètres ; vers 15 heures, par
suite des pertes subies, le mouvement en avant était suspendu ;
les troupes commençaient à se retrancher sur le terrain
occupé ; mais l’ennemi, qui nous harcelait avec
son artillerie et ses mitrailleuses rendait la tâche extrêmement
pénible. On compta 447 pertes dont 256 tués et 18
disparus
Pendant
la journée du 15, sous les tirs de harcèlement continuels,
le 3ème bataillon s’efforça de gagner
la crête en poussant vers le nord de nombreuses têtes
de sapes. L’ennemi faisait un abondant usage de gros minens
de 1m10 de haut qui tombaient sur toute la profondeur de notre position.
Le soir, on compta 126 hommes hors de combat ; à lui
seul, le 3ème bataillon eut 15 tués, 76
blessés et 9 disparus. A noter que les disparus sont la plupart
du temps des tués qui n’ont pu être identifiés
(enterrés ou déchiquetés)
La
lutte se poursuivit le 16 mars. Le 3ème bataillon
attaquait à 4 heures le fortin de la côte 196, et le
2ème bataillon, la tranchée N.S. qui barre
le Ravin des Cuisines. Le feu des mêmes mitrailleuses faisait
échouer l’opération. A 16 heures, nouvelle attaque :
la 9ème compagnie progressa et elle aurait sans
doute atteint son objectif, si son avance avait été
appuyée par celle des tirailleurs marocains qui opéraient
à sa gauche. De son côté, la 5ème
compagnie pu faire un bond de 50 mètres. Les pertes pour
cette journée furent de 20 tués, 31 blessés
Le
17 mars au matin, une section de la 5ème compagnie
sous les ordres du sous-lieutenant Ancelet, attaquait en liaison
avec une compagnie du 53ème régiment d’infanterie
le saillant sud du Ravin des Cuisines. Elle arriva sur la tranchée,
mais n’étant pas soutenue à droite, elle fut
obligée de se replier sous une grêle de balles. A 16
heures, nouvelle attaque sur le fortin par les 1er et
3ème bataillons et sur la tranchée N.S.
par le 2ème bataillon qui devait marcher en liaison
avec le 53ème régiment d’infanterie.Les
compagnies sortaient de leurs tranchées à l’heure
fixée, baïonnette au canon ; mais les mitrailleuses
rendent tout progrès impossible ; le fortin ne put être
pris et le feu violent de ses occupants nous fit beaucoup de mal.
La 9ème compagnie n’avait plus d’officiers ;
un sergent commandait la 10ème. Devant la tranchée
N.S., le 53ème régiment d’infanterie
etait resté dans ses tranchées ; les compagnies
du 2ème bataillon ne purent déboucher.
Cependant, à 17 heures, les 6ème et 7ème
compagnies se portaient seules en avant, et progressaient d’une
centaine de mètres dans les conditions les plus pénibles.
La 8ème compagnie les rejoint à la faveur
de l’obscurité. On employa toute la nuit à organiser
le terrain. Les pertes de la journée étaient de 117
hommes dont 70 disparus (5 officiers tués, 2 blessés)
Le
18 mars, les pertes s’élevaient à 80 hommes
dont 28 tués (1 officier). Joffre mettait fin à l’offensive
en Champagne. Les Allemands contre-attaquaient le lendemain et furent
repoussés avec de fortes pertes des deux côtés
Le
19, le 122ème RI était attaqué à
son tour. L’action fut particulièrement vive devant
le 3ème bataillon ; mais nous maintenions
toutes nos positions en infligeant à l’ennemi de lourdes
pertes. On compta plus de 50 morts devant le 3ème
bataillon ; de notre côté, nous avons en fin de
journée 47 pertes dont 12 tués
Le
21, à 3h30, la 5ème compagnie avança
sa ligne de 100 mètres vers la tranchée N.S. du Ravin
des Cuisines
Un
nouvel assaut était mené par les Allemands dans la
nuit du 22 au 23 mars. Les jours suivants, jusqu’au 24, le
régiment défendit ses positions contre les retours
offensifs de l’ennemi.
Le
24, à la côte 196, devant le 1er bataillon,
les compagnies furent durement éprouvées par un terrible
bombardement d’obus de 105 fusants et de gros minens (mort
du sous-lieutenant Marican, commandant la 1ère
compagnie, du sous-lieutenant Théron, commandant la 2ème
compagnie, fait chevalier de la Légion d’Honneur et
de l’ Adjudant Félix VALATX, de Giroussens).
|
L'adjudant
Félix VALATX quelques temps avant qu'il ne tombe
à Beauséjour, en Champagne, en mars 1915.
|
Lorsque,
le 25, le 122ème régiment fut envoyé
pour deux jours au repos, il n’y avait que deux officiers
avec le chef de bataillon au 1er bataillon et au 3ème
bataillon. Ils étaient quatre au 2ème bataillon.
Les pertes s’élevaient à 329 tués, 571
blessés.
Le
80ème RI de Narbonne, faisait lui aussi partit
du 16ème CA et avait participé activement
les 18 et 19 mars aux dernières attaques sur la côte
196. Le 29 mars, ce régiment alla prendre deux jours de repos
au camp de la Grand’route, et rentra aussitôt dans le
secteur dit de « La Roche », entre Perthes
et Souain, le 1er avril. Alors s’ouvrit une période
de guerre de mines. Le 16 avril, par exemple, les Allemands exécutaient
une terrible attaque à la mine ; le 18, la mine française
leur répond. Le régiment subit 21 explosions, dont
une ensevelit 35 hommes ; il conquit et organisa 8 entonnoirs
pratiqués par le génie qui le secondait. Les pertes
en avril-mai étaient considérables et s’élevaient
à 4 officiers et 165 hommes tués, 9 officiers et 899
hommes blessés. On peut supposer que c’est lors d’une
de ces actions de mines que fut blessé Emile HUGOU du
80ème RI qui décéda le 11 juin 1915,
des suites de ses blessures à l’ambulance 7/16 de Somme-Suippes.
Chaque corps d’armée possédait des Ambulances
et un Hôpital de campagne, directement à l’arrière
du front, mais les difficultés étaient grandes pour
y arriver à temps pour pouvoir être soigné correctement.
Après
avoir combattu en Champagne avec les 16° et 17° CA, le 12°CA
de Limoges etait envoyé en Woëvre dès la fin
mars 1915. Début avril, une « attaque brusquée »
était lancée à l’ouest de Pont-à-Mousson.
Le 12ème corps prenait Fey-en-Haye sans combat
puis enlevait le village de Regnièville. Mais par la suite,
les attaques se révélaient inefficaces sur un terrain
rendu marécageux par les pluies persistantes. La surprise
n’ayant pas joué, Joffre ordonnait de poursuivre une
guerre d’usure qui jusqu’à la fin avril va coûter
65000 hommes. Auguste PELFORT, du 326ème
RI de Brive, participa probablement à ces combats. Son unité
fut mise ensuite au repos sur un secteur plus calme dans l’Oise
avant de rejoindre l’Artois en septembre 1915. Mais il décéda
entre temps, le 22 septembre 1915 à Epineuse (dans l’Oise)
des suites de maladie.
|
Auguste
PELFORT , à la mobilisation,
au 126ème RI de Brive.
|
A
cette époque, le 16°CA de Montpellier etait toujours
en Champagne ou il avait organisé méthodiquement son
secteur et subit de nombreux et coûteux bombardements, attaques
et actions de mines. Dans le cadre de la 2° Armée, il
etait en deuxième échelon en vue d’exploiter
une hypothétique percée. La 32ème
DI derrière le 1er Corps Colonial devait attaquer
la « Main de Massige » et le « Mont
Têtu » ; la 31ème DI devait
renforcer le 14ème CA sur Tahure.
Dans
les premiers jours de septembre, le 81ème RI etait
transporté par autos à Bussy-le-Repos, village bien
nommé, où il resta jusqu’au 21, date à
laquelle il partit pour Noirlien en réserve des gros effectifs
qui allaient lancer l’attaque du 25 septembre. Aussi, lorsque
le 14° CA se trouva en bute à des arrières lignes
formidables, couvertes de profonds réseaux barbelés,
le 81ème était engagé dans la nuit
du 26 au 27. Sa marche en avant etait difficile. Appuyant tout d’abord
les unités d’une division directement engagée,
sa progression etait prise sous de puissants barrages d’artillerie
lourde et abordait bientôt la zone des mitrailleuses. Beaucoup
d’hommes tombèrent. L’avance continua. Les unités
parvenaient dans leur élan jusqu’aux réseaux
adverses. Certains groupes y pénétrèrent ;
ils s’étaient portés si avant qu’ils restèrent
deux jours sans communication avec leurs camarades, (la 1ère
section de la 1ère compagnie sera citée
pour ce fait, à l’ordre de la Division n° 127 du
16 octobre 1915)
La
nuit du 28 etait employée à des reconnaissances et
à relier les unités entres-elles. Certaines tentèrent
isolément des actions aussitôt abattues par la puissance
de feu allemande. C’est lors d’un de ces combats que
le Caporal Cécilien SAYSSAC était tué
à l’ennemi, devant Tahure, ce 28 septembre 1915.
|
Le
Soldat Cécilien SAYSSAC, vers 1910, à l’époque
de son service militaire au 122ème RI de
Rodez.
Il fut mobilisé en août 1914, comme caporal au
81ème RI de Montpellier.
|
L’abbé
Louis Birot, aumônier de la 31ème Division
relate dans ses carnets son arrivé à Perthes le 27
septembre avec le Groupe de Brancardier Divisionnaire pour relever
les blessés des régiments engagés dans la direction
de Tahure : « Il pleut à seaux. Néanmoins
une colonne se forme composée de tous les infirmiers et de
tous les médecins auxiliaires… je me joins à
elle… effets du bombardement des lignes, tout est broyé
sous la pluie de fer : tranchées, abris, chevaux de
frise, cadavres, équipements, sacs de terre, matériel
de toute sorte, tout est mêlé, nivelé…
je me porte en avant… je longe des sentiers et des bois semés
de cadavres. Débris de combat. Après une marche assez
longue, j’arrive au 322ème
(régiment en ligne à côté du 81ème),
massé derrière une crête abrupte… les
figures sont anxieuses, les corps tendus… soudain l’artillerie
se déchaîne. Toutes les crêtes s’enflamment.
Un bruit étourdissant, continu, remplit l’horizon de
vague de tonnerre. C’est l’attaque… les trois
bataillons du régiment s’égrènent aussitôt
en petits paquets, et par sections, traversent le pré, en
courant, et vont se coller au talus en face de nous… je suis
des yeux le mouvement. Les balles commencent à siffler…puis
la riposte se produit avec une violence inouïe. En quelques
instants les crêtes et les vallons sont inondés de
marmites et de shrapnells. Une fumée épaisse remplit
l’air ; les blessés affluent. Ils diront que la
poussée de notre infanterie s’est heurtée à
une ligne de chevaux de frise posée cette nuit, et non détruite
par notre tir. Le vent d’un obus me renverse. Il devient dès
lors évident que l’attaque sera meurtrière et
non décisive ».
Et
pourtant, le lendemain, le 81ème régiment
recevait à nouveau l’ordre de franchir les réseaux
que l’on supposait détruits par l’artillerie,
et d’occuper la redoutable tranchée de la Vistule.
A 14 heures, malgré l’engagement de tous les bataillons,
il ne pouvait prendre la tranchée. Pourtant, certains groupes
de combat avaient réussi à s’engager dans les
fils de fer, à les traverser malgré barrages, mitrailleuses
ou gaz et à bondir dans les ouvrages ennemis avancés.
Jusqu’au soir ils s’y maintenaient mais, trop peu nombreux,
décimés par le tir adverse, ils durent à la
nuit rejoindre nos lignes en emportant leurs camarades blessés.
Après 3 jours de combat, les troupes étaient épuisées,
mais Castelnau voulait à tout prix enlever la deuxième
ligne allemande pourtant renforcée par 3 nouvelles divisions.
Pétain en informa Castelnau dès le 28 septembre au
matin ; mais des rumeurs de percées allaient cautionner
de nouvelles attaques jusqu’au 30 septembre. Certains régiments
comme le 81ème firent des progressions locales
de quelques centaines de mètres, s’acharnèrent
à tenir et revinrent sur leur base de départ sous
un déluge d’obus à gaz et de projectiles lourds.
Le 1er octobre, l’offensive s’arrêtait
d’elle-même. Il n’y avait pas eu de percée ;
la deuxième ligne allemande avait tenu bon. Mais Castelnau
prévoyait un nouvel effort après une solide préparation
d’artillerie pour le 5 octobre. Le 16ème
Corps participa à cette nouvelle attaque et prit même
la Butte de Tahure le 6 octobre mais elle sera reprise peu après
par les Allemands qui furent considérablement renforcé
sur ce front. Les hommes et les approvisionnements en munitions
étant épuisés, l’offensive de Champagne
pris fin. Le 16ème CA y resta cependant jusqu’à
la Noël 1915 avant de partir un temps pour l’arrière.
|
Quelques
poilus du 81ème RI avant les attaques de
septembre 1915. Combien sont revenus ?
|
Pour quelques
kilomètres carrés gagnés, l’Armée
française laissait sur le terrain 30 000 morts et 170 000
blessés. Joffre proclama le 3 octobre : « 25
000 prisonniers dont 350 officiers, 150 canons et un matériel
si considérable qu’on avait pu encore le dénombrer.
Aucun des sacrifices consentis n’a été vain,
le présent nous est un sûr garant de l’avenir.
Le commandant en chef est fier de commander aux troupes les plus
belles que la France ait jamais connues.
Dès la préparation
de l’attaque du 6 octobre en Champagne l’Etat-major
avait eu connaissance d’évènements extérieurs
préoccupants. La Serbie était au bord du désastre
sous la poussés des armées allemandes, austro-hongroises
et bulgares. C’est donc sans tarder que des troupes étaient
envoyées à Salonique au profit de ce qui allait devenir
l’Armée d’Orient. La 122° DI était
donc désigné pour rejoindre en Grèce, la 156°DI
formée quelques jours avant sur prélèvement
du Corps Expéditionnaire des Dardanelles. Jules RAYNAUD,
de la classe 1914 avait été affecté à
l’un des régiments de cette 122°DI, le 45ème
RI qui fut envoyé au secours de l’Armée serbe
fin 1915
Du
4 au11 octobre 1915, la 122°DI fut retirée du
front et mise au repos vers Épernay. Du 11 au 14 octobre,
elle etait transportée par V.F. à Toulouse ou ses
unités allaient se concentrer et s’organiser, en vue
de son départ pour l’Orient. Du 25 octobre au 3 décembre
1915, elle était transportée par V.F., de Toulouse,
à Cette et à Toulon, puis, par mer, à Salonique.
Au fur et à mesure de leur débarquement (du 1er
au 12 novembre), les éléments de la 122e
D.I. étaient envoyés vers le front de la Tchérna
inférieure : Le 11 novembre, elle combattait dans la région
de Tchitchévo. A partir du 12 novembre, des combats défensifs
avaient lieu, puis, le 21, elle se repliait sur la rive droite de
la Tchérna. (A partir du 30 novembre, une brigade etait portée
sur Gradéts en vue de l’organisation d’une position
d’arrêt)
Du
3 au 17 décembre 1915 elle fut engagée dans
la retraite vers Salonique. Les 3 et 4, elle se replia jusqu’à
la position d’arrêt de Gradéts ; c’est
lors de ces combats que Jules RAYNAUD fut tué à
l’ennemi, à Kavadarci (en Serbie). Les jours suivants,
son unité combattait encore contre les Bulgares, les 6 et
7, sur Pétrovo, le 7, sur Davidovo, le 8, sur Kovanéts,
l e 9, à hauteur de la Boyimia, le 10, vers Gourintchét,
le 11, elle se repliait entre Davidovo et Guiévguiéli
et le 12, elle passait la frontière grecque, sur les deux
rives du Vardar, puis retraitait, à partir de Karasouli,
, par la rive gauche, sur Dogandji, où la 122°D.I. arrivait
le 17. Elle allait alors s’organiser avec les autres unités
de l’Armée d’Orient dans ce qui allait devenir
le camp retranché de Salonique. Il faudrait attendre 1918
avant que cette Armée ait les moyens d’attaquer à
nouveau
L’année
1916 allait voir les deux grandes batailles de Verdun et de la Somme.
C’est au même endroit, à Cappy (dans la Somme)
qu’allaient tomber les 2 premiers morts de Giroussens pour
l’année 1916 ; à quelques jours d’intervalle
et au sein du même régiment.
Depuis décembre 1914, le Corps d’Armée Colonial
combattait en Champagne au cotés des 16ème
(Montpellier) et 17ème (Toulouse) Corps. Le 24ème
Régiment d’Infanterie Coloniale avait participé
aux attaques de février-mars et à la grande offensive
du 25 septembre. Depuis cette date, constamment en première
ligne, il avait perdu 1 600 hommes lorsqu’il fut relevé
le 9 novembre 1915. Le régiment alla cantonner au « vallon
des Pins » puis partit le 11 au repos à Sivry-sur-Ance,
puis le 2 décembre dans la région d’Acy-en-Multien
où il séjourna jusqu’au 4 janvier 1916. A cette
date, le 24ème RIC gagnait le camp de Crèvecoeur
par voie de terre (à pieds) où au sein du 1er
CAC, il exécuta des manœuvres jusqu’au 26 janvier.
Les
Allemands lors d’une attaque très puissante ayant enfoncés
nos premières lignes entre Frise et Dompierre, le 24ème
RIC après une marche de 35 km, fut enlevé en automobiles
le 29 au soir et transporté dans la nuit à Chuines.
Le 30, dès 11h, le 2ème bataillon devait
relever, dans les tranchées au nord de Dompierre, des unités
du 322ème RAT ; il se portait sur les emplacements
indiqués, sous un bombardement intense laissant présager
une nouvelle attaque qui se produisit au cours de la relève.
Les territoriaux refluèrent en désordre, laissant
le 2ème bataillon désorienté dans
un secteur inconnu, aux prises avec l’assaillant. Après
une vive résistance jusqu’à épuisement
des munitions, les 5° et 6° compagnies réussirent
aux prix de pertes sérieuses à arrêter la progression
ennemie. Dans la nuit du 30 au 31, le 1er bataillon recevait
la mission de reprendre aux allemands une partie des tranchées
perdues par le 322ème RAT au nord de Dompierre.
Dans une lutte à la grenade, le bataillon enleva en quelques
heures l’objectif fixé, obtenant ainsi une citation
à l’ordre du corps d’armée. Cette citation
laisse transparaître les conditions du décès
d’Alexandre BOUSQUET, tué à l’ennemi,
le 5 février 1916, à Cappy : « En
février 1916, sous le commandement du chef de bataillon Noël,
le 1er bataillon du 24ème
RIC a, pendant 10 jours consécutifs, livré de très
nombreux combats à la grenade. Attaquant impétueusement,
s’organisant aussitôt sur le terrain conquis, résistant
avec opiniâtreté à toutes les contre-attaques,
a de la sorte progressé méthodiquement et arraché
à l’ennemi plus de 2 km de tranchées ou de boyaux,
fait des prisonniers et a enlevé une mitrailleuse. »
Jusqu’au
12 février, le combat continua, acharné, dans la région
de Frise en vue de la reprise du terrain perdu ; les 1er
et 2ème bataillon du 24ème RIC
y prenaient une part active que le Général commandant
la 6ème Brigade d’infanterie coloniale exprima
ainsi : « Dans les journées du 29 janvier
au 11 février, les unités de la 6ème
Brigade, chargées de reprendre aux allemands une partie de
nos lignes, se sont montrées à la hauteur de la réputation
qu’elles ont acquise en Champagne. Elles ont reconquis les
points les plus importants de la ligne à reprendre à
la baïonnette, sous les bombes et sous le feu le plus intense
de l’artillerie ennemie. Elles ont trois jours durant, malgré
les pertes les plus cruelles, disputé ces points à
de nombreuses contre-attaques ennemies, faisant des prisonniers
et prenant des mitrailleuses. Je salue les nobles victimes de ces
jours de lutte. »
|
|
Un
« marsouin » (nom familier donné
au soldat de l’infanterie coloniale) de Giroussens ;
celui là est revenu !
|
Les
1er et 2ème bataillon étaient
successivement relevés après le 12 février
et allaient au repos. Le 3ème bataillon occupait
toujours, depuis le 30 janvier, les tranchées en face de
Dompierre. A partir du 14, le temps devint mauvais ; la pluie
tomba sans répit transformant les tranchées et boyaux
en mares boueuses où les hommes s’enfonçaient
jusqu’à la ceinture, détruisant dans la journée,
les travaux de la nuit. Dans ces conditions, la vie de secteur devint
extrêmement pénible, les hommes n’étant
pas relevés, ne pouvaient se débarrasser de la boue
qui les couvraient et beaucoup furent atteints de gelures aux pieds.
Pour autant, les combats ne cessèrent pas, et le 16 février,
Ernest Ludovic VALATX tombait à son tour, près
de Cappy dans la Somme. Lorsque son bataillon fut relevé,
le 25 février, les pertes pour ce seul mois s’élevaient
à près de 500 hommes.
Pendant
ce temps le 8ème RIC, de la 4ème
Brigade coloniale était en secteur à Vermandovillers
jusqu'au 16. Il passait ensuite quatre jours au repos à Demuin
et revenait, du 24 février au 2 mars, tenir le secteur
de Frise, en avant de Cappy, là même où la 6e
B.I.C. avait été précipitamment engagée,
pour enrayer l'avance ennemie. La relève, qui dura deux jours
et deux nuits, exigea de tous un gros effort, une abnégation
absolue et un sentiment très élevé du devoir.
La nouvelle ligne occupée etait en effet à peine ébauchée
et le temps très mauvais : La pluie, la neige, le gel et
le dégel qui se succédaient, faisaient crouler les
talus des tranchées et des boyaux. C'etait de la boue liquide
que l'on maniait avec les pelles ; en certains endroits, il fallait
circuler dans plus de 50 centimètres d'eau vaseuse. Des hommes,
enfoncés dans le sol jusqu'à mi-corps, durent attendre
pendant de longues heures la venue de la nuit, afin de pouvoir être
tirés, avec des toiles de tentes de leur dangereuse situation.
L'artillerie ennemie de son côté très active,
occasionnait à nos troupes abritées dans ces mauvaises
tranchées, des pertes quotidiennes sévères.
C’est dans ces conditions qu’Ernest DEYMIER,
du 8ème RIC, fut tué à l’ennemi
au « bois de la vache », au nord de Cappy.
Le
Régiment quitta le secteur de Cappy dans la nuit du 2 au
3 mars et alla cantonner successivement, le 3, à Méricourt,
au nord-est d'Amiens ; le 4 à Rouviel, et le 5, à
Rouvroy, où il séjourna jusqu'au 20 mars. Au sein
de la 2°DIC, 3 jeunes gens de Giroussens étaient tombés
en 3 semaines presque au même endroit.
Depuis
le 21 février 1916, Verdun etait assailli par les Allemands ;
à grands renforts envoyés de partout, le front français
s’etait stabilisé un peu. Mais les Allemands afin d’éviter
ce renforcement, lançaient des attaques afin de fixer le
maximum de troupe loin de Verdun. La 127°DI, créé
en juin 1915 à partir de 2 régiments d’infanterie
et 4 Bataillons de Chasseurs à Pieds avait été
engagée à partir du 25 septembre 1915, dans la deuxième
bataille de Champagne, au sein du 6°CA, derrière le 2ème
CAC. Elle avait participé aux combats dans la région
de la « butte de Souain » et de la « ferme
Navarin » puis avait occupé le terrain conquis,
à l’est de la route de Souain à Somme-Py.
|
Soldats
français s’abritant dans un trou d’obus
devant la ferme Navarin, en 1916
|
Retiré
du front du 4 au 27 octobre, elle remontait en secteur vers la « butte
de Souain », la « ferme Navarin »
et le nord de la « ferme des Wacques ». C’est
justement sur ce secteur qu’une attaque allemande de diversion
(pour éviter le renforcement du front de Verdun) eut lieu
le 27 février 1916. C’est lors de cette attaque que
fut tué Jacques Augustin MARTEL, du 19ème
Bataillon de Chasseurs
Alors
que se déroulait la Bataille de Verdun, d’autres combats
avaient lieux sur tout le front, et les unités de réserves
de la 16ème Région Militaire combattaient
depuis plus d’un an dans les Vosges au sein de la 41°DI.
En août 1914, la 66ème Division de réserve
était partie du Midi entre le 12 et le 15 août, elle
avait débarqué à Montbéliard et avait
été dirigée sur Belfort pour se regrouper entre
le 15 et le 17 août. La Division avait renforcé le
7°CA en marche sur Mulhouse. La 131° Brigade en tête,
avait suivi l’axe Froningen, Didenheim, Brünstadt. La
132° Brigade, l’axe Valdieu, Traubach, Falkenwiller, Balschwiller,
Froeningen, Didenheim.
Le
19 août, le contact était pris avec l’ennemi ;
deux pelotons de réserve du 19ème Régiment
de Dragons de Castres chargeaient sur le bois de Gallen-Holtzolle.
Le 296ème RI de Béziers subissait une sévère
canonnade causant des pertes tandis que le 215ème
RI d’Albi sortant de Didenheim et s’apprêtant
à franchir le pont sur l’Ill, était stoppé
par une vive fusillade. Entassées entre la sortie du village
et la rivière, deux sections tentaient alors de forcer le
passage sur le pont mais étaient clouées au sol dès
leur arrivée sur l’autre rive par un feu terrible de
mitrailleuses. Le repli précipité des survivants créait
un début de panique sur les bataillons du 215ème
et du 343ème RI de Castelnaudary qui s’étaient
échelonné sur la rive. Le régiment avait perdu
près de 200 hommes. Le drapeau déployé, la
charge était sonnée et le 215ème
reprenait ses positions qu’il ne quittait que le 24 août
sur l’ordre général de retraite. La 66ème
Division se repliait par Petit-Croix, Montbéliard, Monvillard,
Rechesy et Courtelevant. Pendant près d’un mois son
rôle allait se résumer à tenir à l’aile
droite de l’Armée d’Alsace, un front délaissé
par la bataille, hormis quelques patrouilles offensives. Le 1er
octobre, la 132ème Brigade quittait la 66ème
Division pour faire partie des unités qui allaient renforcer
cette X° Armée en Artois et allait passer à la
58ème Division. En Alsace, où les autres
régiments de la 66ème Division de Réserve
allaient être affectés à la 41ème
Division (Le 17 décembre 1914, la 81ème brigade passe
à la 66ème DI et est remplacée par la 132ème
brigade), la tactique allait résider dans la prise des sommets
et des cols pour s’assurer des vallées. C’est
le 2 décembre 1914 que commençait cette lutte qui
atteindrait son apogée durant l’année 1915.
Deux bataillons de chasseurs alpins soutenus par le 215ème
RI s’emparaient de la Tête des Faux, à 1219 mètres
d’altitude. Le régiment de réserve d’Albi
y laissait une centaine d’hommes ; les « jägers »
allemands restaient toutefois cramponnés à mi-pente
et devaient contre-attaquer sans succès dans la nuit de Noël.
Sur ce front, les boyaux alternaient avec des murs de pierres recouverts
de troncs de sapins. La neige, le froid allaient être pour
les « combattants des cimes » des ennemis
tout aussi meurtriers que l’adversaire ; et il faudrait
apprendre à compter avec des conditions géographiques
et climatiques pour lesquelles on n’avait pas été
préparé. La 41ème division occupait
un secteur entre la Chapelotte et la Fave (région de Provenchères-sur-Fave),
étendu à droite, à partir du 19 décembre
1914, jusqu’au col du Bonhomme. En février et en mars
1915, elle livrait des combats vers la Chapelotte. Le 22 juin, elle
perdait la Côte 637, reprise le 8 juillet. Le 24 juillet,
le 253ème régiment de Perpignan venait
en aide à la 82ème Brigade pour la prise
de Launois, lors des combats de la Fontenelle. Par la suite et durant
toute l’année 1915, la 132ème Brigade
du Général Sarrade, formé des régiments
de réserve d’Albi, Castelnaudary et Perpignan allait
former l’aile droite de la 41ème DI, s’étendant
du col du Bonhomme au col d’Hermanpère. Sur ce secteur,
il y avait deux points important, le « Violu »,
observatoire admirable et « 607 », bastion
formidable que les Allemands allaient chercher à occuper
continuellement. Des attaques sur ce secteur furent repoussées
par le 253ème RI en février puis en avril
1915. Puis, devant les difficultés de combat en terrain montagneux,
des bombardements et des tirs de mines eurent lieu jusqu’à
la fin de l’année 1915
|
Une
« popote » du 215ème
RI d’Albi, dans les Vosges
entre 1914 et 1915.
|
Ce
n’est qu’à partir du 12 février 1916,
que des tentatives plus sérieuses étaient lancées.
Après un fort bombardement du réduit sur la « côte
607 », une attaque se déclenchait sur les positions
du 253ème RI et du 120ème
BCA qui repoussèrent les Allemands. Les jours suivants,
les Allemands se déchaînèrent sur nos positions
de « 607 », du « Violu »,
la « Cude » et « Fort-Regnault ».
Plusieurs milliers d’obus de gros calibre et de torpilles
bouleversèrent les positions de la 132ème
brigade (boyaux éboulés, abris éventrés,
projections en tout sens). La terre s’entrouvrait avec fracas,
engloutissant tranchées, défenses accessoires et
aussi leurs défenseurs, ouvrant ainsi un énorme
entonnoir dont il fallait coûte que coûte défendre
avec acharnement. C’est ainsi qu’Augustin CASSAGNOL,
du 343ème RI fut tué à
l’ennemi le 1er mars 1916, à la « Tête
du Violu ». Quelques jours après, ayant été
blessé lors de ces mêmes combats, Henri ASSALIT,
du 215ème RI décéda des suites
de ses blessures le 11 avril 1916 à l’Hospice Mixte
de Saint-Dié. Une des dernières tentatives allemandes
sur ce secteur eut lieu le 17 avril. Sur tout le front de la 41°
DI, elle se traduisit par des fusillades, des jets de bombes,
des bombardements des tranchées et des cantonnements. Devant
et autour de « 607 », les ripostes du 215ème
RI empêchèrent les attaques de l’infanterie
allemande de déboucher ; plus au sud, au bois de Beulay,
les Allemands approchèrent jusqu’au fils de fer mais
la fusillade les obligea à se replier. Durant ces combats,
Marius DARLES, du 215ème RI fut
tué à l’ennemi, à la côte « 607 »,
à l’est de Lesseux. Ces combats allaient se poursuivre
pour la 41°DI jusqu’à la fin de juin 1916, date
à laquelle elle allait être relevée et changée
de secteur.
A
cette date, en vue de dégager le front de Verdun, contre
lequel ne cessait de déferler le flot ennemi depuis le
21 février, et de venir en aide à ses héroïques
défenseurs, une attaque sur le secteur de la Somme était
décidée. L'offensive principale allait être
conduite par les Armées Britanniques, appuyées à
leur droite et, à cheval sur la Somme, par la VIe Armée
(Général FAYOLLE), comprenant du nord au sud, le
20e C.A., le 1er C.A.C. et le 35e C.A.
L'ordre
d'attaque précisait que : « l'action du 1er C.A.C.
visera à prendre pied sur le plateau de Flaucourt, en vue
d'empêcher l'artillerie ennemie de cette région d'agir
au nord de la Somme. Elle ne devra pas dépasser l'objectif
limité qui lui est assigné. » Dans les
derniers jours d'avril, la situation devenait très pressante
devant Verdun, les travaux à effectuer en vue de l’attaque
étaient alors poussés le plus activement possible,
afin d'être terminés vers le 20 juin.
Pendant
toute cette période, du 20 mars au 20 juin, le 8ème
Régiment d’Infanterie Coloniale bivouaqua ou cantonna
dans la région de Demuin, Morcourt, Proyart,
et participa à tous ces travaux : ouverture de nombreux
boyaux, aménagement d'emplacements, de batteries, construction
de nombreux abris à l'épreuve, destinés à
abriter les troupes d'assaut pendant la préparation d'artillerie.
Ces périodes de travaux alternaient avec des séjours
aux tranchées du Bois de la Vierge (S.-E. de Cappy),
dans un secteur relativement calme. En outre, des centres d'instruction
ayant été organisés à Demuin,
toutes les unités y étaient envoyées à
tour de rôle au repos pendant une quinzaine de jours, pour
y reprendre l'instruction des spécialités : grenadiers,
voltigeurs, V.B., F.M. C'est à cette date, que les unités
d'infanterie furent dotées du F.M. à raison de 8
par compagnie.
Les
travaux préparatoires furent terminés le 20 juin
et la préparation d'artillerie, minutieusement réglée
et d'une violence sans précédent, commençait
le 24, elle dura 7 jours. Pendant ces 7 jours de bombardement
notre artillerie fit sur la première position allemande,
un travail de destruction réellement remarquable et des
tirs de contrebatteries des plus efficaces. L'état des
destructions etait reconnu tous les soirs par des officiers d'artillerie
et d'infanterie, qui réussirent même, à pénétrer,
en plein jour, dans les premières tranchées ennemies.
Le 30 juin elles furent jugées suffisantes, et l'attaque
d'infanterie fut définitivement fixée au lendemain,
1er juillet, à 9h30
Le
Régiment, encadré à droite par le 3e R.I.C.,
à gauche par le 4e R.I.C., occupait ses emplacements de
départ dans la nuit du 24 au 25 juin. Son secteur d'attaque,
d'environ 500 mètres etait limité au nord par le
boyau central et les lisières sud d'Herbécourt,
au sud par une ligne passant par la lisière nord de Dompierre
et les lisières sud de Flaucourt. La première
position allemande, protégée par de multiples réseaux
de fils de fer, garnie de nombreux abris à l'épreuve
et flanquée par plusieurs mitrailleuses, etait fortement
organisée. Elle etait constituée par trois lignes
successives : La première à 400 mètres environ
de nos postes avancés ; la deuxième (tranchée
des Canards), à 1000 mètres environ au-delà,
la troisième (tranchée de départ), à
1200 mètres plus loin. Ces trois lignes étaient
réunies entre elles par un seul boyau, appelé boyau
central, qui limitait au nord le secteur d'attaque du Régiment
et qui aboutissait au village de Flaucourt, à 1500 mètres
à l'est de la troisième ligne. L'attaque du régiment,
suivant les ordres du Haut Commandement, devait se développer
par l'enlèvement successif et méthodique de trois
objectifs :
Premier objectif : premières lignes et tranchée
des Canards ;
Deuxième objectif : tranchée d'arrivée ;
Troisième objectif : village de Flaucourt et plateau à
l'est. Ce dernier objectif ne devait être en aucun cas dépassé.
Le
dispositif d'attaque était le suivant : Le Régiment
en profondeur dans l'ordre 2e Bataillon, (commandant CHEVALIER)
; 3e Bataillon (commandant MAILLES) ; 1er Bataillon (commandant
FOUFE). Formant dans chaque bataillon deux vagues de deux compagnies
chacune. La première vague, comprenant, à droite,
la 6e Compagnie (capitaine SADDIER), à gauche la 5e
Compagnie (capitaine GROUSSARD), occupait la tranchée de
première ligne; La deuxième vague, comprenant à
droite la 8e Compagnie (lieutenant SAULGEOT), à gauche,
la 7e Compagnie (lieutenant PAOLI), occupait les abris
de la tranchée de doublement à 40 mètres
en arrière; Les troisième et quatrième vagues
(3e Bataillon), étaient à la disposition du Colonel
Commandant le Régiment, et se formaient dans les abris
de la tranchée de soutien; Les cinquième et sixième
vagues (1er Bataillon) étaient à la disposition
du Général de Brigade (cinquième vague),
et du Général de Division (sixième vague),
dans le bois Olympe, à 2 kilomètres plus à
l'ouest. Chaque compagnie entrant dans la composition des deux
premières vagues, avait deux sections déployées
en première ligne et deux sections en ligne d'escouades
à trente pas en arrière. Les derniers préparatifs
étaient terminés, le 30 juin au soir, le Régiment
etait prêt à remplir sa mission.
Le
1er juillet, le temps se leva superbe ; la visibilité etait
parfaite. Un peu avant 9 heures, les troupes furent avisées
de l'avance réalisée par le 20ème
C.A. et par l'Armée Anglaise, partie à l'assaut
vers 5 heures. A 9 h. 30, l'artillerie ayant allongé son
tir, les 5e et 6e Compagnies, suivies à très
courte distance par les 7e et 8e Compagnies, bondissaient en dehors
des tranchées et abordaient les lignes ennemies. La progression
était très rapide. Les vagues d'assaut pénétraient
dans les premières lignes où elles faisaient une
cinquantaine de prisonniers, puis se portaient rapidement sur
la tranchée des Canards qui etait enlevée dès
10 h.
L'objectif
assigné, qui ne devait être dépasser que sur
ordre étant atteint, les 5e et 6e Compagnies s'y organisaient
solidement et envoyaient des patrouilles reconnaître le
terrain en avant pendant que les 7e et 8e Compagnies assurant
la liaison avec les Régiments voisins, venaient occuper
les premières lignes conquises. Pendant ce temps, le 1er
Bataillon était venu occuper les emplacements du 3e Bataillon,
qui s'etait avancé lui-même jusqu'à nos anciennes
premières lignes, prêt à soutenir le 2e Bataillon.
Le Régiment se trouva ainsi à la tombée de
la nuit à 800 mètres environ de son objectif : la
tranchée d'Arrivée. Les pertes avaient été
presque nulles et une centaine de prisonniers étaient pris.
La
nuit, très calme, fut mise à profit pour l’organisation
de la nouvelle parallèle de départ. Cette ligne
de trous individuels, creusée à 250 mètres
environ du deuxième objectif, fut occupée avant
le jour, par les 7e et 8e Compagnie qui devaient poursuivre l'attaque
le lendemain.
Ce
deuxième objectif, constitué par deux tranchées
à trente mètres l'une de l'autre, était protégé
par des réseaux de fil de fer encore intacts et flanqué
par des mitrailleuses ; il était fortement occupé
par l'ennemi. Malgré la chaleur torride et la privation
d'eau, à 16 h. 30, après une pénible journée
passée dans l'immobilité la plus complète
et dans l'attente fiévreuse de l'attaque, les premiers
pelotons des 7e, 8e et 9e Compagnies, s'élançaient
vers l'objectif assigné. Mais prises à partie dès
leur sortie de la parallèle de départ par le tir
des mitrailleuses qui leur infligeaient des pertes sévères,
les troupes ne purent progresser : la 8e Compagnie, eut ses trois
officiers tués, la 7e Compagnie en eut un. A gauche, le
4e R.I.C. avait cependant enlevé le village d'Herbécourt,
capturant ainsi les deux mitrailleuses flanquant l'objectif du
8e R.I.C. A 17 heures 30, l'attaque à la grenade par le
boyau central etait alors reprise par la 7e Compagnie. Cette lutte
âpre et meurtrière, dura jusqu'à 19 h. Devant
la vigueur et l'opiniâtreté de cette poussée,
l'ennemi fléchit et vers 19 h. 30, la 7e Compagnie pénétrait
dans sa position et enlevait toute la ligne comprise entre le
boyau central et le village d'Herbécourt, assurant ainsi
la liaison avec le 4e R.I.C. : 2 officiers, 130 hommes et un butin
considérable tombaient entre les mains du régiment.
Louis
BLATGER fut tué au cours de ces combats et fut inhumé
à Dompierre, près d’herbécourt. Les
Allemands tenant toujours la partie sud de l'objectif du Régiment
; disposant d'excellents abris, ils opposaient là une résistance
opiniâtre à tout efforts. Les 9e et 11e Compagnies,
envoyées en renfort dès la tombée de la nuit,
entreprenaient alors une lutte à la grenade qui après
avoir duré toute la nuit fut couronnée de succès.
A la pointe du jour les Allemands se repliaient en désordre,
abandonnant une trentaine de prisonniers et trois mitrailleuses.
Tous les objectifs étaient tenus, et la position conquise
fut immédiatement organisée par le 2e
Bataillon, qui envoya dans la matinée du 3 juillet, de
nombreuses patrouilles, jusqu'aux lisières ouest de Flaucourt.
C'est une de ces patrouilles, commandée par le Capitaine
LANET, de la 7e Compagnie, qui s'empara, à la pointe
du jour, d'une batterie de 105, située dans le ravin Ouest
de Flaucourt, à 600 mètres environ des nouvelles
positions, ainsi que d'un important dépôt de munitions.
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Dompierre,
le 5 juillet 1916, une tranchée allemande prise
et des prisonniers escortés
|
Après avoir enlevé le village
de Flaucourt les 3 et 4 juillet, le 8ème RIC
partit au repos jusqu’au 24 juillet avant de combattre à
nouveau sur ce même front (secteur de la Maisonnette, Cappy,
Bois Blaize) jusqu’au 22 août, et d’être
retiré du front et rassemblé à Toulon afin
d’être expédié à l’Armée
d’Orient.
Alors
que les coloniaux étaient engagés aux côtés
des anglais sur le front de la Somme, les corps métropolitains
se relayaient dans la bataille de Verdun. Engagée, à
partir du 5 mars, la 28°DI montait en secteur, vers Châtillon-sous-les-Côtes
et Villers-sous-Bonchamp. Du 15 au 19 avril, elle était
retirée du front et mise au repos vers Chaumont-sur-Aire
avant d’être engagée à nouveau du 19
avril au 17 mai, vers Thiaumont et les carrières d'Haudromont.
Les 29 avril et 7 mai, ses unités dont le 30ème
RI repoussaient des attaques allemandes. Du 17 mai au 5 juin elle
allait au repos vers Bar-le-Duc. Puis, du 5 juin au 29 décembre,
elle faisait mouvement vers le front et occupait un secteur entre
Châtillon-sous-les-Côtes et le sud de Damloup ou des
éléments étaient engagés dans la 1ère
bataille offensive de Verdun. Le 24 octobre, elle participait
à la prise de la batterie de Damloup avant d’être
retirée du front entre le 29 décembre 1916 et le
15 janvier 1917 pour être mise à l’instruction
au camp de Gondrecourt.
Du
15 janvier au 2 avril la 28°DI était transportée
par V.F. vers Liancourt, puis à partir du 22 janvier, elle
occupait un secteur dans la région d'Armancourt, l'Avre.
Suite au repli stratégique allemand, elle avançait
le 17 mars, en liaison avec l'armée britannique et le 19
mars, s’emparait de Ham ; combattait le 22 à Artemps,
le 24 à Essigny-le-Grand et à Contescourt. A partir
du 21 mars, ses unités occupaient un secteur sur le front
Roupy, Essigny-le-Grand. Lors de ces combats de poursuite, le
Chef de Bataillon Fernand GARDELLE commandant le 3ème
bataillon du 30ème RI fut blessé
et transporté à l’Hôpital d’évacuation
de Hargicourt, canton de Montdidier, ou il décéda
le 17 avril 1917. Il était le premier mort de la commune
pour l’année 1917.
Quelque
mois après, ce fut le soldat Augustin Hippolyte JANSOU
qui décéda lui aussi dans un hôpital militaire ;
celui d’Achilléion, sur l’île de Corfou,
en Grèce. Il était affecté au sein du 8ème
Régiment du Génie, au détachement télégraphiste
de la Mission Française d’Albanie, chargée
de venir en aide à l’Armée Serbe replié
sur l’Albanie et en voie de reconstitution à Corfou.
Il fut l’un des nombreux soldats du front d’orient
décédé probablement des suites du paludisme.
|
Dépôt
de matériel de télégraphie du 8ème
Régiment du Génie.
|
Pendant
ce temps, sur le front français, à la suite des
hécatombes du Chemin des Dames et des Mutineries, la nomination
de Pétain à la tête des Armées, s’accompagnait
après une vague de répression contenue, de mesures
en faveur des hommes et surtout d’une nouvelle stratégie
mettant fin aux « attaques suicides » d’une
infanterie sacrifiée jusque là en toute inhumanité
et inutilité. Les soldats parlaient du « système
Pétain » qui se traduisit par des visites au
front du Général en Chef, des récompenses
et des permissions plus nombreuses, l’amélioration
de l’ordinaire (hygiène et alimentation, réduction
des entraînements …) et surtout une nouvelle stratégie
d’attaques limitées, bien préparées,
et le renforcement de l’artillerie lourde et des chars d’assauts
Malgré
cela, la rudesse de la vie dans les tranchées ne s’en
fut pas bouleversé, même si les attaques étaient
moins fréquentes, mais surtout de plus faible ampleur.
C’est une guerre de coup de main qui commençait alors,
avec des deux côtés des troupes aguerris aux attaques
brusquées sur un secteur limité. Le 8ème
Régiment de Cuirassiers à Pied etait une de ces
unités nées de la guerre. Dès 1915, les régiments
de cavalerie, n’ayant plus lieu d’être dans
la guerre de tranchée, furent en grande partie dissous ;
quelques-uns uns restèrent affectés à la
garde des arrières, au maintien de l’ordre où
furent occasionnellement envoyé aux tranchées. Certains
comme le 1er Régiment de Hussard de Béziers
permirent la constitution d’unités de cavalerie nouvelles
destinées au service d’infanterie et le 25 mai 1916,
deux escadrons du 1er Hussards furent versé
au 8ème RCP qui formait avec les 5ème
et 12ème Cuirassiers, la 2°Division de Cavalerie
à Pied. D’abord en Lorraine, puis dans les Vosges
en 1916, la 2° DCP participa à la Bataille du Chemin
des Dames, secteur de Guernicourt et Berry-au-bac avant d’être
affecté ensuite au secteur du fort de la Pompelle, près
de Reims. Sur ce secteur ou les tranchées étaient
protégées par des fortins bétonnés,
les adversaires se livraient à une guerre de patrouilles
et de coups de main. Les régiments mettaient sur pied des
« groupes franc » chargés d’effectuer
des attaques brusquées afin de ramener des renseignements
et des prisonniers. Lorsqu’ils étaient en réserve,
les unités travaillaient sur ce secteur à la construction
de réseaux de tranchées et de fil de fer
Les
mois d’août et de septembre 1917 se passèrent
en coups de main et en bombardement de représailles. Les
1er, 2 et 3 octobre, les Allemands tiraient un peu
partout sur le secteur du 8ème régiment
de « Cuirapieds » et semblaient faire des
repérages de tranchées et boyaux. Le 4, à
4h du matin, des obus de tous calibres éclataient sur la
position, suivi aussitôt par deux compagnies de « stosstruppen »
(troupe d’assauts) qui s’infiltrèrent dans
les tranchées de 1ère ligne de la route
44. Les boyaux étaient couverts de mitraille et à
demi comblés sous le tir de 12 batteries sur un front de
600 mètres. Les Allemands parvenaient à pénétrer
dans un intervalle non gardé et la première ligne
se replia alors dans les boyaux avant de contre-attaquer. Dans
cette affaire, le 11ème escadron eut cinq prisonniers,
12 blessés et 2 tués dont le cavalier de 1ère
classe François PRATVIEL, tué par éclats
de grenade, dans la tranchée de cambrai, secteur de Lude.
|
Groupe
d’infirmiers du 8ème Régiment
de Cuirassiers à Pieds, vers 1916.
|
Depuis,
juillet 1917, le 2ème Bataillon Territorial
de Chasseurs à Pieds faisait partie de la 66ème
DI. Après avoir été engagé devant
Craonne, lors de l’offensive du Chemin des Dames, la division
etait retirée du front du front le 18 juin, puis faisait
mouvement par étapes vers la région de Meaux ou
elle était mise au repos, reconstituée et effectua
travaux et instruction. Le 2ème BTCP l’ayant
rejoint au cours de cette période, le 27 juillet, elle
était transportée par voie ferrée de Chelles,
à Vierzy et à Longpont, puis faisait mouvement sur
l’Aisne. Elle occupa alors, jusqu’au 20 août,
un nouveau secteur sur le Chemin des Dames, vers le Panthéon
et l’Epine de Chevregny. Le 30 juillet, elle attaqua et
avança dans la région ferme de la Royère,
Epine de Chevregny. Le 10 août, elle dût faire face
à une contre-attaque allemande
Du
20 août au 17 septembre 1917, elle était retirée
du front, faisait mouvement vers Braine, puis vers Nanteuille-Haudouin
où elle était mise au repos. Au 17 septembre,
elle etait dirigée vers le front et occupa le secteur
vers le Panthéon et à l’ouest jusqu’au
26 octobre. Pendant cette période, le 2ème
BTCP était utilisé à des travaux préparatoires
à l’offensive. Ses équipes devaient préparer
les parallèles de départ pour l’attaque du
23 ; elles furent soumises à d’incessants bombardements
de la part des allemands. Jean Marius CASTAGNER trouva
la mort le 21 octobre 1917, près d’Aizy, sur le champ
de la bataille qui se livra à partir du 23 octobre, à
l’ouest du Panthéon, sur Pargny-Filain (Bataille
de la Malmaison)
A
cette période, le 411ème RI, formé
près de Nantes, en 1915, avec principalement des vendéens,
bretons et réfugiés du nord occupait les secteurs
de Sornéville, Mazerulles et Montcel, en Lorraine. Ce régiment
dans lequel on pouvait trouver quelques méridionaux « égarés »
depuis que l’Etat-Major avait jugé qu’il valait
mieux brasser les populations de la France pour éviter
une trop forte communauté de liens entre soldats, allait
passer l’hiver dans ce secteur assez calme. Les tranchées
y étaient assez profonde et bien aménagées,
pourvue d’abris relativement confortables et défendues
par un fort réseau de fil de fer. La « loutre
noire », affluent de la « Seille »
se trouvait à 1500 mètres et séparait les
poilus des allemands qui se trouvaient sur les hauteurs de Rozebois
et des Ervantes. Selon l’Historique de ce régiment,
la plaine qui séparait les deux belligérants n’etait
qu’un terrain d’action à quelques patrouilles
de nuit lors desquelles s’échangeaient quelques fois
quelques grenades, quelques obus et ou sifflaient quelques balles
égarées. Mais ce que ne précise pas cet historique
régimentaire, c’est que ces obus, grenades ou balles
n’en étaient pas moins mortelles pour qui s’y
trouvait soumis. C’est probablement la façon dont
Jean MAURY fut tué à l’ennemi, le 20
février 1918, à Montcel sur Seille. Il était
le premier mort de la commune de Giroussens pour cette dernière
année de guerre
|
Montée
en ligne du 411ème RI, lors de l’attaque
allemande sur Verdun, en 1916.
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Un
soldat de Giroussens, de la classe 1915 avait été
affecté lui aussi à un régiment du nord,
du nord-est précisément le 166ème
RI, de Verdun. Après avoir participé aux batailles
de Verdun et de la Somme, en 1916, au sein de la 132ème
DI, ce régiment occupa divers secteurs tout au long de
l’année 1917 et jusqu’au début de 1918.
A partir du 1er juin 1918, la 132ème
DI occupa un nouveau secteur vers l'Epine de Vedegrange et le
mont Sans Nom jusqu’au 18 juin ou elle était retirée
du front pour aller au repos dans la région de Vadenay.
Le 26 juin, elle allait occuper un nouveau secteur vers Auberive-sur-Suippe
et le Mont Sans Nom. A partir du 15 juillet, elle était
engagée dans la quatrième bataille de Champagne.
En effet, après les offensives Ludendorf du printemps 1918,
les Allemands lançaient une nouvelle attaque entre Château-Thierry
et l’Argonne ; mais celle-ci ayant été
éventée, une position de résistance avait
été mise en place par la 4° Armée. Après
avoir résistée sur la position principale, la 132ème
DI organisa le front vers Auberive-sur-Suippe et la ferme de Moscou
avant d’être relevée et envoyée au repos
vers Saint-Germain-la-Ville du 23 juillet au 1er août.
A partir du 2 août, elle était transportée
par voie ferrée vers Pont-Sainte-Maxence, puis par camions
vers Mareuil-sur-Ourcq, et enfin par étapes (à pieds)
vers la forêt de Compiègne. Les alliés ayant
deviné le plan d’attaque allemand, avaient préparé
une contre-offensive qui allait s’étendre de la vallée
de l’Aisne à celle de la Scarpe. Le 19 août,
la 132ème DI, passée à la 10°
Armée, faisait mouvement vers le front et dès
le 20, elle etait engagée dans la deuxième bataille
de Noyon. Le 20 août, ses régiments s’emparaient
du mont de Choisy, de Cuts, de la Pommeraye et progressaient jusqu'à
l'Oise (22 août). A partir du 29 août, ils étaient
engagés dans la poussée vers la position « Hindenbourg »et
franchissaient le canal de l'Ailette. La 10° Armée
avait percé le système défensif des plateaux
nord de Soissons, solidement retranchés et défendus
avec acharnement depuis 4 ans. Du 2 au 7 septembre, la division
était dans le mouvement de poursuite des armées
allemandes dans le secteur de la lisière est de la basse
forêt de Coucy. Puis tous les éléments de
la division s’évertuaient à la réorganisation
des positions conquises vers Barisis-aux-Bois et la route de Saint-Gobain
à Chauny. Le 15 septembre 1918, la 132ème
DI fut retirée du front et alla au repos vers Ivors, puis
vers Acy-en-Multien. Mais le 16 septembre, Gaston PAGES, décédait
à l’Hôpital Temporaire de St Nicolas, à
issy-les-moulineaux, sans doutes des suites de blessures reçues
lors de ces combats.
Engagée
dans la quatrième bataille de Champagne (du 15 au 18 juillet)
comme la 132ème DI, la 16ème
DI combattait ensuite vers la Main de Massiges et se repliait
sur le front Virginy, bois d'Hauzy. Après des combats du
24 juillet au 30 septembre 1918, la division était
retirée du front, et partit au repos vers Herpont, puis,
à partir du 27 juillet, fut transportée vers Ay.
Un jeune appelé de la classe 1918 de Giroussens fut affecté
au 27ème Régiment d’Infanterie
de cette division.
Engagée
dans la 2ème Bataille de la Marne, vers
Sainte-Euphraise et l'Ardre, les régiments progressaient
jusqu'à la Vesle, puis s’organisaient sur les positions
conquises vers Jonchery-sur-Vesle et l'ouest de Muizon. Lors de
cette progression, le jeune giroussinais Daniel GAU etait
blessé à 1 km d’Heronville ; il décéda
quelques heures plus tard, des suites de ses blessures
Nous
avons vu que les derniers morts de la commune avaient été
affectés à des régiments du Nord de la France.
Depuis 1916, l’Etat-major avait préconisé
un brassage des populations au sein des unités ; ceci
posait d’ailleurs quelques soucis à ces jeunes méridionaux
souvent très mal accueillis dans leurs régiments
respectifs depuis la « cabale » lancée
en 1914 contre le 15ème Corps et les soldats
du Midi. Ce corps d’Armée avait été
donné en pâture à l’opinion publique
par le Commandant en Chef et le Ministre de la Guerre afin de
couvrir des erreurs tactiques lors de l’attaque en Lorraine
en août 1914. Durant toute la guerre, cette mauvaise réputation
influença la perception et aussi le comportement des troupes
du Midi qui furent pourtant tout aussi braves que celles des autres
régions. Victorin Bès, de Castres explique son arrivé
ainsi : « Nous sommes à Aigny, au 161ème
RI. C’est un régiment de l’Est. Nous sommes
dépaysés au milieu de ces soldats qui n’ont
pas notre accent. Nous restons instinctivement ensemble dans le
cantonnement. Nous avons été très mal reçus
par notre capitaine... voici quelques phrases qui résonnent
encore à mes oreilles : « Ah oui, je
sais que vous êtes des soldats du Midi. Dans un régiment
comme le nôtre, nous eussions préféré
recevoir en renfort des soldats autres que du Midi ! Vous
êtes ici dans un régiment qui est appelé chaque
fois qu’il faut donner un coup de chien. Au 161ème,
on ne recule jamais, sinon je vous brûlerais la cervelle…
Toutefois,
et surtout pour les soldats des classes anciennes où qui
avaient la chance de ne pas être blessé, une certaine
homogénéité demeurait. D’ailleurs,
le dernier mort de la commune, décédé des
suites de ses blessures, quelques mois après la guerre,
appartenait au régiment d’Albi, le 15ème
RI, de la 32ème DI du 16ème
Corps, depuis le début de la guerre. Le caporal Célestin
RIVIERES décéda le 24 février 1919, à
l’Hôpital Complémentaire n°41 de Saint-Dizier.
Nous n’avons pas d’indication quant aux circonstances
de sa blessure.
|
Ambulances
de Corps d’Armée conduisant les blessés
depuis les postes de secours du front vers les hôpitaux
militaires.
|
Aussi
et pour conclure l’histoire des « poilus »
de Giroussens et du midi en générale, nous allons
évoquer, les derniers mois du 15ème Régiment
d’Infanterie sur le front
Après
avoir passé quelques mois dans les Vosges (au Violu et
à Aspach), au début de 1918, la formidable offensive
allemande, déclenchée le 21 mars 1918 contre l’Armée
anglaise, appela le 15ème R.I., en Belgique.
Le régiment occupa, le 4 mai, le sous-secteur de la Clytte
que domine le Kemmel, pris par l’ennemi le 27 avril. Une
première attaque était exécutée le
8 mai par le 1er bataillon sur la Ferme du Pompier
et la Ferme Sans Nom. A 4h15, les pelotons se portaient à
l’attaque. Celui de la 2ème compagnie
atteignait son objectif, s’emparait d’une mitrailleuse
légère et fit prisonniers les trois servants. La
section du sous-lieutenant ASSOUAD, renforcée par la section
de mitrailleuses du sous-lieutenant PRADERE, occupa la Ferme Sans
Nom. La 1ère compagnie faisait à la Ferme
du Pompier six prisonniers et enlevait une mitrailleuse légère.
Mais à droite, le 159ème R.I., n’avait
pu atteindre son objectif ou s’y maintenir ; découvert
et menacé sur son flanc droit, le bataillon était
obligé de reprendre sa parallèle de départ.
La 9ème compagnie qui soutient l’attaque
d’un bataillon voisin, enleva brillamment ses objectifs
et mérita d’être citée à l’ordre
de la Division
Le
14 mai, le régiment reçut l’ordre de la relève
qui devait s’effectuer dans la nuit du 14 au 15 mai. Mais
vers 17 heures, l’ordre était donné au 2ème
bataillon de se tenir prêt à marcher en vue d’un
coup de main. Le but de l’attaque était de reprendre,
dans le secteur du 80ème R.I., les tranchées
de la côte 44 qui, chaudement disputées par le 55ème
Bataillon de Chasseurs de la division Targe, venaient de retomber
par un coup de surprise au pouvoir de l’ennemi. Le 15 mai,
le 2ème bataillon effectuait son attaque ; dès
les premières minutes, les cadres des 5ème
et 6ème Compagnies furent tués ou blessés.
Pertes sensibles qui décapitaient les compagnies. Sous
la conduite d’un lieutenant, le groupe d’attaque atteint
brillamment les objectifs et les dépassa. Mais seuls les
objectifs désignés dans l’ordre d’attaque
furent conservés. Le régiment avait perdu dans ces
deux journées : dix-huit officiers et six cent quatre-vingt-treize
hommes
Après
un séjour en Lorraine, du 21 au 24 août, le 15ème
RI passa, avec le XVI° C.A., à la disposition de la
X° Armée que commandait le général MANGIN.
Le 6 octobre, le 3ème bataillon était
mis à la disposition du 143ème R.I.,
et s’empara des villages d’Aulers et de Bassoles-Aulers
enclavés dans la « Huding Stellung ».
Le 15ème RI prit position devant le village
de Fresnes. Le 12 octobre, la retraite ennemie reprenait ; le
15ème marcha derrière le 80ème,
il reçut pour mission de s’emparer du village de
Couvron. L’attaque se déclenchait vers 16 heures,
et, malgré les feux violents des mitrailleuses qui tiraient
par rafales, le 3ème bataillon s’empara
du village. Dans la soirée du lendemain, le 2ème
bataillon enleva le village de Pouilly. Le 1er bataillon
dépassa le village de Chéry-lez-Pouilly. Le 23 octobre,
le 15ème s’empara de la côte 90
et du carrefour Saint-Jacques. Une section de la 6ème
compagnie reçut le 24, l’ordre d’atteindre
la station de Crécy. Soumise à des tirs violents
de mitrailleuses, cette section qui s’était avec
un beau courage engagée sur la chaussée, unique
moyen d’accès, fut arrêtée par un ennemi
supérieur en nombre qui cherchait à la cerner. Huit
hommes seulement, dont deux blessés, purent réussir
à regagner nos lignes, après avoir traversé
un violent tir de barrage. Le 28, à neuf heures, tous les
éléments du 15ème R.I. franchissaient
la Serre et s’établissaient sur la ligne de hauteurs
au nord de la rivière en refoulant l’ennemi. Après
un arrêt de quelques jours la progression victorieuse de
la division l’amena à Vervins d’abord, puis
jusqu’aux environs de Wattigny, où le régiment
apprit le 11 novembre, la signature de l’Armistice. Le 10
novembre, des éléments de la division avaient passé
la frontière
Ainsi
prenait fin les combats de cette tragédie européenne
ayant ruiné le vieux continent. Lorsque les clairons, à
11heures, ce 11 novembre 1918 sonnèrent le cessez-le-feu,
les poilus et les allemands sortaient enfin la tête des
tranchées, et s’observaient en silence. A l’arrière
du front, la nation était en liesse. Mais il manquait une
voix à cette joie universelle ; celle des 8 millions
d’orphelins, des 8,5 millions de veuves ou de mères
qui, en Europe et en Amérique , avait perdu les leurs sur
les sinistres champs de bataille.
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