Cérémonie d’inauguration
de la plaque de la signature
de
la reddition de la garnison allemande de Castres le 20 août 1944
Samedi 28 mai 2011
Allocution du Président des Amis du Corps Franc du
Sidobre
Il
y a 67 ans, nous sommes en 1944, la France est sous la botte allemande. Le Tarn
est occupé, et les uniformes « vertgris » hantent les rues. Moins visibles
et plus dangereux encore sont les collaborateurs zélés qui cherchent à plaire à
leurs maitres. Castres essaye de vivre normalement depuis juin 40. Elle avait
envoyé ses Régiments pour protéger les frontières de France et la Liberté. Elle
a tout perdu. Ses Régiments ont été dissous, ses hommes sont morts par
dizaines, les survivants après d’innombrables actes de bravoures ont été
emmenés en captivité ou internés en Suisse. Un groupe, celui du chef d’escadron
d’artillerie Saucet, est revenu après un bref passage par l’Angleterre et en
ayant abandonné ses armes sur les plages de Dunkerque. Depuis que le 27
novembre 1942 Hitler a dissous l’Armée d’Armistice, les militaires français de
Castres se sont fondus dans la population civile, mais quelques uns refusant la
défaite, s’organisent et attendent le bon moment pour entrer en résistance. Les
casernes de Castres sont devenues allemandes et ont même changé de nom. La
caserne des Dragons s’appelle maintenant caserne Von Moltke du nom du général,
chef d’état-major, relevé après la défaite de son armée lors de la bataille de
la Marne en 1914. Homme à la valeur limitée il ne craignait pas de massacrer du
civil pour influencer le cours des actions de guerre.
L’armée
allemande a placé à Castres la 2eme Légion Caucasienne sous les ordres du
colonel Machts de la Wehrmacht. Il a comme aide de camp le Capitaine Georges
März, ancien adjudant-major nouvellement promu officier et affecté. Ce sont
près de 4000 hommes avec 100 officiers qui sont présents dans la garnison. Un
fort détachement occupe Mazamet et protège barrage hydroélectrique et voies
ferrées. Albi aussi compte une garnison importante. Toulouse n’est pas loin et
sa force d’occupation est puissante.
L’invisible
armée allemande qui a balayé sur son passage notre armée en 40 réalise que
l’adversaire a relevé la tête. L’année précédente, elle a subit défaite sur
défaite. Les alliés font reculer les forces de l’AXE en Afrique, en Union
Soviétique, en Italie et partout dans le monde. La Corse est libérée le 4
octobre 43. L’année 44 commence mal, le
premier semestre est angoissant pour les militaires allemands, les Alliés
gagnent partout où ils interviennent. Les officiers d’état-major le savent.
A
Castres, les militaires de la Wehrmacht sont des combattants fatigués et peu
fiables, seul l’encadrement ou la peur des représailles les rendent fidèles. Il
y a déjà eu des désertions.
Ils sont informés que des réfractaires au STO,
d’anciens militaires et des individus refusant l’occupation, sont entrain de se
regrouper dans des zones d’accès difficiles. Le débarquement en Normandie et
l’animation qui s’en suit dans les maquis agace. Les parachutages et les
américains dont ont ignore le nombre, les mouvements et l’activité des
résistants provoquent la réaction de l’occupant qui va attaquer en plusieurs
points dans le Tarn sud, sans grands succès. Il y a des pertes de part et
d’autre et le commandement allemand qui aime la douceur de vie castraise s’interroge
sur son avenir. L’aide de camp du Colonel allemand, n’apprécie-t-il pas la
compagnie de Juliette, une française qui informe la résistance par l’intermédiaire
du Cne Lamon ? Ce Cne Märtz, directement impliqué dans la mort de Weisman
et de quelques maquisards est, malgré son passé nazi, intervenu plusieurs fois
pour préserver des personnes interpelées pour motif de compromission avec la
Résistance.
Le
mois de juillet et le début du mois d’août sont très actifs dans les deux
camps. La Résistance dans la zone A du
Tarn, qui est maintenant commandée efficacement par un militaire expérimenté :
le Commandant Dunoyer de Segonzac marque même des points qui déstabilisent les
occupants. Le 14 août, la veille du débarquement Allié en Provence, le pont
ferroviaire de Mazamet sur la ligne de St Pons et Bédarieux est détruit. La
garnison de Mazamet doit assurer sa protection. Son replie est prévu mais ne
peut se faire que vers Castres. Je donne la parole au Cdt de Segonzac « le
18, en effet, j’apprends que la garnison allemande de Mazamet s’apprête à
quitter la ville par voie ferrée. Je demande et obtiens de l’officier qui la
commande un rendez-vous, sur un banc, dans un jardin public de la ville,
seulement accompagné de mon interprète qui tremble de peur. Je le somme de se
rendre en faisant valoir de gros effectifs de combattants. Il refuse. » Le
Cdt de Segonzac va alors mettre sur pied une opération militaire avec 200
hommes pour intercepter et capturer le train militaire allemand. Ce sera chose
faite le 20 août au matin après de furieux échanges de tir.
Pendant
ce temps là, ce 18 août, à Castres, sur l’oreiller, le Cne März laisse entendre
à sa bonne Juliette qu’il pourrait accepter de parler avec des responsables de
la Résistance. Celle-ci va donc en informer son beau-frère, un ancien
sous-officier du Cne Lamon. Aussitôt le Cne Lamon accepte de recevoir le Cne
Allemand que Juliette lui amène dans sa villa des Tilleuls.
Mais
je laisse parler le Cne Lamon : « Un
rapport verbal que m’avait fait le 19 août un de mes anciens
sous-officiers : l’adjudant Lejeune, m’avait permis de conclure que le
moment était venu de tenter ce que je recherchais depuis longtemps : la
libération de Castres et la capture des allemands. C’est l’adjudant Lejeune qui
a fait parvenir mon ultimatum au Commandant local allemand, en l’occurrence, au
Cne März chef d’état-major du Col. Machts. Commencées à 22 heures les
négociations se sont poursuivies jusqu’à une heure avancée de la nuit, elles
ont été laborieuses et souvent sur le point d’échouer. A 3 heures du matin, je
pouvais envoyer le message : Cne
Dumoulin à Cdt Hugues. J’ai
l’honneur de vous rendre-compte de ce que je viens de négocier, au cours de
cette nuit, sous réserve de votre agrément, avec le Cne März et avec son chef
le Col Machts, la reddition de toutes les troupes allemandes qui se trouvent
dans notre zone et plus particulièrement de Castres. » Le Cne Lamon
énumère les conditions et termine par ce qui suit : « Je ne dispose
que d’un personnel très restreint et il faut aller vite pour que mon bluff ne
soit pas découvert et pour éviter toute surprise. En conséquence, et afin de
perdre le moins de temps possible, j’adresse à l’escadron Coudert l’ordre de se
porter immédiatement en camion à hauteur du Siala où j’irai le trouver et à
toutes les autres unités de la zone, celui de ne pas approcher à plus de 10
kilomètres de Castres. J’établis mon P.C à Péraudel où je vous attends
d’urgence. Le porteur a pour vous un laissez-passer du Commandant allemand. Ce
Compte-rendu est secret, son porteur a l’ordre de le détruire par tous les
moyens en cas de surprise. Vive la France ! Dumoulin. »
Le
Cdt de Segonzac reçoit le message au petit matin, sur les lieux de la capture
du train allemand. Il se rend donc à Castres, et après avoir pris le temps d’apprécier
un bon bain dans la salle d’eau de la Métairie neuve, et avoir fait attendre
longuement les officiers allemands, il ouvre la deuxième phase des négociations
qui vont durer de longues heures et déboucher sur la signature d’un accord.
Je
redonne la parole au Cdt Dunoyer de Segonzac : « vers 19 heures ils acceptent de capituler. Aussitôt
après, je me rends sur la demande du Colonel Allemand avec M. Houpe, président
du Comité de Libération et futur Maire deCastres, au « Grand Hôtel »
où sont rassemblés tous les officiers allemands, presqu’une centaine. Dans un bref exposé, je tente de
convaincre les officiers de l’inutilité que présente une résistance, n’hésitant
pas à prétendre que la ville était désormais encerclée par de nombreuses
troupes alliées, puissamment armées. Puis d’une fenêtre je harangue la foule de
plus en plus excitée. »
C’est
une page de l’histoire de Castres qui vient de se tourner.
Le
Chef d’escadrons Dunoyer de Segonzac, ce brillant officier des blindés, qui a réalisé
la mise au point du char Somua S35 et l’étude de son emploi, avant de
participer à la téte de son escadron de char à la campagne de France, en
écrivant de glorieuses pages de l’histoire des chars, va organiser la mise sur
pied et la création d’un régiment : le 12eme de Dragons dont le n° est
donné par le général de Lattre en remplacement du N° 3, car il refuse d’avoir
sous ses ordres un régiment qui ne l’avait pas soutenu dans les heures
difficiles.
Le
capitaine Lamon, promu au grade de Commandant le 24 août 44, va participer sous
les ordres du Colonel de Woillement à la création du 24eme Rgt d’Artillerie
dont la montée au combat est retardée pour des problèmes d’équipement en pièces
d’artillerie, jusqu’au printemps 45.
Ces
deux unités issues de Castres prendront
part à la victoire sur l’Allemagne Hitlerienne.
Christian Pourcel
CONDITIONS DE LA REDDITION DE
LA GARNISON DE CASTRES 1944
(Document
rédigé par le Capitaine LAMON )
1° - Toutes
les armes, les stocks de vivres, le matériel automobile et hypomobile,
l’habillement, de la garnison Allemande seront livrés en parfait état et sans
aucune destruction préalable aux Forces Militaires Françaises. 2° - Les
hommes de troupe désarmés seront rassemblés : a ) –
Les militaires de nationalité Allemande seront rassemblés au terrain de
Péraudel b ) –
Les militaires de nationalité non Allemande seront rassemblés au terrain de
sports de Bonnafé 3° - Les
sous-officiers suivront, suivant leur nationalité, le sort des hommes de
troupe. Ils seront
4° - Les
officiers seront répartis suivant leur nationalité et leur appartenance à une
unité dans les Communes de Castres, Mazamet et Vabre. Ils seront libres sous
conditions : la troupe et les sous-officiers répondront de leur attitude. Les
officiers, sous-officiers et hommes de troupe Allemands sont sous la
protection des Forces Militaires Françaises. Les officiers auront droit au
port de leurs armes individuelles ( révolvers ), au service de l’ordonnance
choisie par eux. Une résidence obligatoire leur sera désignée. 5° - Tout
prisonnier aura droit de disposer de ses effets personnels. Le principe
d’une indemnité appropriée au travail qui leur sera demandé ultérieurement,
est admis. 6° - Le
personnel féminin Allemand résidera dans un immeuble désigné par le
Commandant des Forces Militaires Françaises qui se réserve de lui donner une
affectation appropriée aux qualités professionnelles de ce personnel. 7° - La
présente note rédigée à 15 heures recevra une réponse à 19 heures et sera
appliquée le 21 Août dès le lever du soleil pour être réalisée à 9 heures du
matin, heure à laquelle les Forces Militaires Françaises feront leur entrée
dans la ville de CASTRES. |